Jean Du Berger

Parution : Revue de l'Université Laurentienne, vol. VIII, n˚ 2, Sudbury, 1976, p. 7-20.

Jean Du Berger aborde dans cet essai le corpus des légendes relatives au Diable qui définissent la société canadienne-française. Trois figures s’imposent : celle de Justicier, de Possesseur et de Partenaire. Pour chacune d’elles, il expose la structure narrative qui la supporte. Le Diable beau danseur est l’incarnation exemplaire du Diable-Justicier. En tant que Tentateur, il menace l’ordre du monde qui repose sur une série de prescriptions et de proscriptions. S’il amène dans un premier temps le protagoniste à transgresser les règles établies, il se fera paradoxalement Justicier dans un second temps. Son action ne s’exerce pas seulement sur ceux qui aiment trop la danse mais aussi contre tous les types de pécheurs : les sacreurs, ceux qui travaillent le dimanche, etc.

La deuxième figure du Diable, celle de Possesseur, convoque l’image d’un être envahisseur qui s’empare d’un corps pour y faire sa demeure. Mais le Diable peut tout aussi bien posséder des animaux ou des domaines (les Vieilles Forges du Saint-Maurice), cette possession tenant lieu de punition et rattachant par le fait même cette figure à celle de Justicier. 

La figure du Diable-partenaire se caractérise par un pacte que l’homme signe avec Satan. L’homme obtiendra ce qu’il désire au prix de son âme. La construction d’une église (avec l’aide de Satan sous la forme d’un cheval noir), le rituel de la Poule Noire et le transport magique (la Chasse-Galerie) sont des exemples d’ententes de plein gré avec le Diable.

Du Berger conclut son essai en expliquant la fonction de ces récits dans l’univers mental du groupe où ils s’enracinent. Ces récits, en se situant dans la tradition chrétienne du combat entre les forces du Bien et les forces du Mal, servent à « résoudre les crises de la vie au niveau verbal pour éviter qu’elles ne se règlent au niveau du “vécu” ». En somme, ce discours traditionnel propose des exemples qui ne font que « reprendre en l’adaptant aux différentes circonstances du “vécu” le discours ecclésial qui décrit l’ordre du Salut ».

Source : Janelle, Claude, Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, 2021, p. 435-436.