Élisabeth Vonarburg

Parution : Requiem 17, Longueuil, 1977, p. 10-15.

Élisabeth Vonarburg traite de la présence des femmes comme auteures dans la science-fiction (américaine et française) sous l’angle de leurs rapports aux stéréotypes véhiculés par la fiction, tant réaliste que spéculative. À partir d’un corpus de 182 textes – dont 32 romans ou recueils de nouvelles –, elle dégage quatre phases qui illustrent la position des auteures face aux stéréotypes sexuels : la dénégation féminine, la revendication virile, la revendication féminine et l’intégration bisexuelle. (Il s’agit ici d’une première ébauche pour cerner la problématique. Deux articles parus en 1985 et un autre en 1995 abordent ce même sujet en poussant plus loin l’analyse.)

La dénégation féminine consiste à faire siens les stéréotypes mâles dominants et à se fondre dans la masse des auteurs masculins en utilisant un pseudonyme masculin ou des initiales neutres (C. L. Moore). La revendication virile est inscrite dans des récits qui présentent des héroïnes dotées d’attributs masculins (force, héroïsme, goût du pouvoir) et qui mettent aussi à profit des pouvoirs psi. La revendication féminine, au contraire, met en scène des femmes qui assument pleinement leur féminité et leur spécificité (maternité, sexualité, sensibilité). Enfin, la phase de l’intégration bisexuelle appelle à une « véritable et indispensable réflexion sur cette fameuse Nature Humaine » en vue de concilier le meilleur de l’homme et de la femme (Ursula Le Guin).

Élisabeth Vonarburg appuie sa démonstration en donnant de nombreux exemples d’œuvres qui correspondent à l’une ou l’autre phase. Elle s’attarde à l’évolution de l’œuvre de Catherine (C. L.) Moore car elle embrasse les trois premières phases mais elle présente aussi plusieurs textes d’Andre Norton, de Marion Zimmer Bradley, d’Ann Mac Caffrey, de James Tiptree Junior (auteure qui s’est fait passer pour un homme) et d’Ursula Le Guin. Cet échantillonnage de textes amène l’essayiste à mettre en évidence les principaux thèmes traités par les auteures de science-fiction : la femme « cyborgisée » ou mutilée dans son corps, la sexualité, la maternité, le clonage. Elle considère que ce sont les thèmes sociologiques qui permettent davantage aux auteures de se libérer des stéréotypes. Les sociétés unisexes ou sexuellement égalitaires offrent ainsi un terrain fertile pour la conjecture, ce qui devrait constituer l’essence de la science-fiction. Les œuvres qui décrivent ces sociétés renouvellent le thème du simulacre, du rapport à l’extraterrestre et à l’Autre – « la femme n’est-elle pas pour l’homme l’Autre absolu ? » – et des pouvoirs psi.

Élisabeth Vonarburg conclut qu’on ne lit pas objectivement quand on connaît le sexe de l’auteur et que nier nos déterminants est moins fécond que de les intégrer à notre réflexion.

Source : Janelle, Claude, Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, 2021, p. 446-447.