Georges Desmeules

Parution : imagine… 53, Sainte-Foy, 1990, p. 55-70.

L’auteur de cette étude tirée de son mémoire de maîtrise se propose de montrer la parenté des structures qui régissent le fantastique et l’humour et entend vérifier l’hypothèse voulant que la plupart des œuvres fantastiques comportent, au moins virtuellement, un potentiel humoristique. Il s’en tient, dans le cadre de cette étude, à une nouvelle de Michel Bélil, « Le Mangeur de livres ». Mais avant de démonter les ressorts fantastiques et humoristiques de ce texte, Georges Desmeules établit clairement les bases théoriques sur lesquelles il compte travailler. Il emprunte sa définition du fantastique à Irène Bessière qui fait intervenir deux éléments principaux : l’apparition essentielle d’un événement à caractère étrange ou inexplicable et la relation du personnage avec cet événement. Quant à l’humour, il utilise la théorie développée par Denise Jardon dont il retient deux éléments. « En premier lieu, l’humour se compose de deux phases, le paradoxe ironique et le rebon­dissement humoristique. [...] En second lieu, le personnage réagit devant cet événement par un phénomène double, l’économie d’affect et l’économie de représentation du réel. »

Desmeules va démontrer que ces mécanismes sont à l’œuvre dans la nou­velle de Bélil. « L’économie d’affect correspond à une première dénégation devant une circonstance inexplicable. » Pour affronter le surnaturel, le per­sonnage d’Helen Wright doit faire l’économie d’affect et de représentation du réel, c’est-à-dire refuser de s’enfuir et se construire l’illusion qui masque, jusqu’à la fin, la menace qui pèse sur elle. Par ailleurs, le paradoxe ironique s’apparente à la phase de l’apparition d’un élément nouveau (le fantastique) tandis que le rebondissement humoristique, essentiellement langagier, se manifeste abondamment par l’intrusion fréquente du narrateur dans le récit sous forme de mots d’esprit, de jeux sur la graphie, de commentaires sur les événements qui s’y déroulent. 

En terminant, Georges Desmeules, qui croit que le caractère essentiel de l’humour dans la fabrication du fantastique pourrait se vérifier dans l’ensemble de la production québécoise, oriente la recherche dans une autre voie en faisant allusion aux travaux du théoricien de l’humour H.-P. Grice qui se fondent sur le principe de coopération. Grice déclare que « toute communication, orale ou écrite, doit remplir quatre conditions pour être “réussie” ». Or, le fantastique, tout comme l’humour, viole les règles de quantité (renseignements trop minces sur la « chose ») et de modalité (le récit jouant constamment sur l’ambiguïté réel-irréel).

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1990, Logiques/Le Passeur, p. 210-211.