Rita Painchaud

Parution : Les Ailleurs imaginaires, Québec, Nuit blanche éditeur, 1993, p. 121-135.

Rita Painchaud se penche sur la nature des rapports qui se sont établis entre la SF et le fantastique entre 1974 et 1984 en examinant la politique éditoriale et les productions de Requiem/SolarisPour ta belle gueule d’ahuri et imagine… Elle note que le but premier poursuivi par Norbert Spehner en fondant Requiem était de créer un fandom au Québec bien plus que de stimuler la création littéraire et qu’en dépit de son nom, Requiem a publié deux fois plus de textes de science-fiction que de fantastique (36,9 % contre 16,2 %). C’est cependant au genre « insolite » – ces fictions hybrides ou impures – qu’appartient la majorité des textes publiés, une situation qui sera corrigée à partir de 1979 quand la revue, renommée Solaris, accorde la priorité à la création littéraire en favorisant les textes plus longs. La prépondérance de la SF s’accentue dorénavant dans plusieurs sections de la revue : entrevues, bandes dessinées, fictions.

Rita Painchaud constate la même prédominance de la SF dans Pour ta belle gueule d’ahuri qui désire fournir un espace de création aux auteurs, ce qui a incité Solaris à modifier sa ligne éditoriale au moment de son changement de nom. Enfin, imagine…, la dernière venue en 1979, se présente « comme une revue de création spécialisée en SF ». L’essayiste montre que la position de la revue à ses débuts est difficilement tenable car elle vit à la fois un rapport de conformité avec l’idéologie dominante en s’identifiant à l’avant-garde littéraire et en acceptant les règles du jeu institutionnelles et un rapport de rupture en épousant un genre non légitimé. La réorientation majeure de la revue opérée en 1983 favorise une diversification de la production qui se traduit par l’ouverture aux « littératures de l’imaginaire ». 

Painchaud conclut qu’il faudra attendre la création de Carfax en 1984 pour que s’affirme un désir de démarcation et d’autonomie du fantastique dans le milieu québécois. Jusque-là, en effet, estime-t-elle, ce milieu s’est défini et s’est perçu comme un lieu de SF sans toutefois que les rapports de celle-ci avec le fantastique aient engendré de profonds tiraillements, à peine une certaine confusion dans les premiers temps de la cohabitation sous l’ère de Requiem.      

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 227.