Sophie Beaulé et Rachel Major

Parution : Actes du colloque international La Mer dans la littérature d'expression française au XXe siècle, Moncton : Éditions d'Acadie, 1992, p. 55-63.

La communication des deux universitaires porte en fait exclusivement sur le roman Coquillage d’Esther Rochon, paru en 1986. Elles entendent démontrer que cette œuvre, basée sur un rêve fait par l’auteure alors qu’elle était enceinte, utilise l’image de la mer et l’eau, son corollaire, comme vecteur de recentrement et de régénération chez l’individu. À travers la relation qu’entretiennent les trois principaux personnages – Thrassl, François et Xunmil, mais plus particulièrement le premier – avec le monstre-nautile, Beaulé et Major dégagent un cheminement identitaire propre au héros rochonnien en s’appuyant sur les travaux de Bachelard. 

Alors que le monstre symbolise l’inconscient et l’animalité de l’être humain avec lesquels renoue Thrassl en s’abandonnant voluptueusement au nautile, l’eau représente la purification et la renaissance. Qui plus est, cette symbolique se superpose à la conception spirituelle de la vie qui guide Esther Rochon car « la descente de l’eau vers l’océan signifie, selon la philosophie bouddhiste, le rassemblement des eaux, le retour à l’indifférenciation, bref au nirvana ». Au terme des deux voyages au centre de la mer effectués par l’entremise du nautile, les personnages acquièrent une harmonie intérieure qui engendre « le désir de réunification avec le monde, la volonté de soigner l’identité collective dissociée ». 

Les cosignataires du texte signalent en conclusion que la transformation intérieure s’accompagne d’un renouvellement de la parole, le son et la musique préparant cette ouverture libératrice, ce que l’écriture poétique et sensuelle de Rochon traduit à merveille en utilisant un vocabulaire mariant l’eau et le feu, éléments respectivement féminin et masculin.    

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 256.