Lise Morin

Parution : Annales du CRAA, Bordeaux, Éditions de la Maison des Sciences de l'homme d'Aquitaine, 1994, p. 43-50.

Lise Morin considère qu’il existe deux modes de représentation du réel auxquels correspond pour chacun un registre fantastique : le fantastique canonique et le néo-fantastique. Cependant, avant d’aborder leur esthétique respective, elle définit l’œuvre fantastique en analysant le discours dont elle est porteuse et les différentes attitudes du personnage devant le prodige. Elle s’appuie aussi sur un essai de Jean Fabre pour expliquer l’apparition du fantastique au XVIIIe siècle. 

Le fantastique canonique, que d’aucuns ont appelé le surnaturel terrifiant, propose une représentation du réel, envisagé comme un système cohérent, et une « esthétique du plein, du lié et du continu ». Le personnage y apparaît subjugué par une puissance supérieure à la suite de « l’irruption d’un phénomène qui fait violence à la raison » ; devant cette force maléfique, il emprunte une voie tracée qui le mène à sa perte. Lise Morin utilise la nouvelle « Miroir-miroir-dis-moi-qui-est-le-plus-beau » de Michel Bélil pour illustrer son propos et démontrer que le destin du personnage est lié à une transgression dont le récit rend compte en mettant au jour « la forte solidarité des divers constituants de la chaîne événementielle ».

Quant au néo-fantastique, il met en scène un personnage qui s’adapte à la situation improbable et en tire même un avantage. Le hasard remplace la fatalité, la découverte du prodige apparaissant fortuite – elle ne procède ni d’un désir ni d’une quête – et ne modifiant pas en profondeur l’existence du personnage. Prenant comme exemple la nouvelle de Johanne de Bellefeuille, « Comme un gant », Lise Morin relève les éléments de l’esthétique du décousu, du discontinu propre au néo-fantastique qui met en lumière l’absurdité de la vie moderne et donne lieu à des œuvres au caractère ludique assumé.

Les deux régimes de fantastique peuvent se résumer ainsi : ordre, fatalité et homogénéité des éléments du récit pour le fantastique canonique ; chaos, hasard et morcellement des événements qui s’enchaînent de façon aléatoire pour le néo-fantastique.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1994, Alire, p. 219.