La science-fiction est dans notre civilisation une force narrative majeure […], 
par elle, passent bon nombre des questions que nous nous posons 
sur notre temps et sur l’avenir de l’humanité.

Non, cette défense de la science-fiction n’est pas extraite d’une des études recensées dans L’ASFFQ et son auteur ne figure pas dans la liste habituelle des théoriciens et des écrivains qui abordent ce genre. Cette citation est tirée de la chronique hebdomadaire de Jean-Pierre Denis dans Le Devoir (6 et 7 septembre 1997). Elle illustre à merveille le fait que le discours théorique sur la science-fiction ou le fantastique peut émerger un peu partout dans l’espace critique et qu’il est impossible de le circonscrire entièrement. Avec les années, il est devenu de plus en plus difficile de rendre compte de cette production qui prolifère à gauche et à droite dans les lieux éditoriaux les plus inattendus. À preuve, un long article de Michel Lord, « Les Architectures de l’imaginaire », qui se cache dans un gros manuel scolaire publié par Guérin !

Quoi qu’il en soit, la production de 1997 compte 19 articles et trois livres : un essai universitaire de Georges Desmeules, La Littérature fantastique et le spectre de l’humour, un collectif dirigé par Hugues Morin, Stephen King : trente ans de terreur, et une bibliographie compilée par Norbert Spehner, Frankenstein Opus 410. La production livresque, rare au cours des années 1980, devient importante dans la présente décennie puisque trois essais avaient aussi été publiés en 1992. Par ailleurs, pour la deuxième fois seulement en dix occasions, le fantastique a suscité plus d’études que la science-fiction (10 articles contre 7).

À part Michel Lord dont la contribution régulière aux études en fait un chercheur de pointe, les grands ténors de la production théorique (je pense notamment à Guy Bouchard et à Élisabeth Vonarburg) sont silencieux en 1997. De cette production éclectique, quelques noms émergent. Ainsi, Georges Desmeules, en continuant de s’intéresser au fantastique mais en élargissant aussi son champ d’intérêt, remplit les promesses qu’il avait suscitées au début des années 1990. Pour sa part, Alain Bergeron, en signant une chronique intitulée L’Anachorète dilettante dans Solaris, propose une réflexion stimulante sur divers sujets reliés au fantastique et à la science-fiction. Son travail vient ici compléter son œuvre de fiction. Quant à Hugues Morin, même si son champ d’étude se limite exclusivement – du moins pour le moment – à l’œuvre de Stephen King, il n’en demeure pas moins un esprit curieux capable de susciter des collaborations et de mener à terme des projets ambitieux comme son livre sur King. En outre, comme coordonnateur de Solaris, il n’est peut-être pas étranger au fait que cette revue ait fourni sept contributions aux études en 1997.

Bref, en consultant la production dans son ensemble, on se rend compte que la jeune génération d’écrivains – Jean-Louis Trudel, Thierry Vincent, Laurine Spehner, Frédérick Durand – est prête à réfléchir sur ses sources d’inspiration ou à soumettre sa pratique de l’écriture à une réflexion théorique.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1997, Alire, p. 203-204.