La grande majorité des articles et études en 2000 est concentrée dans deux revues : Québec français et Solaris. La première, dont le lectorat se compose de professeurs de français, a publié six articles relativement courts. Le numéro 116 propose un dossier « Contes et légendes » qui fournit trois textes abordant le corpus fantastique ou son enseignement au niveau collégial. Pour sa part, Solaris a accueilli dans ses pages quatre études, dont l’une portant sur l’œuvre de Jean-Pierre April, un écrivain de SF important au cours des années 1970 et 1980 qu’une nouvelle venue, Kathleen Kellet-Betsos, découvre avec un nouveau regard.

La production, qui s’élève modestement à 13 études, est dominée par une voix critique qui s’est fait entendre dans les années 1980 et dont l’écho avait été plus ou moins répercuté depuis. Il s’agit de Sophie Beaulé, une chercheuse qui s’intéresse à la science-fiction et au fantastique québécois à travers ses engagements de professeure à l’Université Brandon (Manitoba), puis à l’Université Saint Mary’s (Nouvelle-Écosse). Elle livre en 2000 deux études fouillées, à certains égards complémentaires, sur la représentation du Québec dans les nouvelles de SF et de fantastique publiées au cours des 20 dernières années.

Le pari est risqué dans la mesure où l’essayiste est amenée à expliquer des notions comme l’idéologie du ressentiment, l’« éthos » québécois, la dénationalisation ou le désengagement de l’État-nation, la déterritorialisation, le néolibéralisme. On le voit, l’approche de Sophie Beaulé s’appuie sur une radiographie préalable du climat politique du Québec pour analyser la production des œuvres d’imagination des auteurs de SF et de fantastique. Même si on a parfois l’impression que l’analyse littéraire ne vient que confirmer la lecture politique proposée par les deux études de Sophie Beaulé et que la fiction opère en réaction aux moments clés de l’histoire politique du Québec au lieu de les anticiper, force est de reconnaître qu’il y a là une réflexion à l’œuvre, un véritable effort pour reconnaître l’apport de l’imaginaire dans la constitution du discours social. Dans l’étude portant sur le numéro 101 de Solaris (un spécial « langue »), Sophie Beaulé affine son analyse en se concentrant sur cinq nouvelles alors que l’autre essai ratisse peut-être un peu trop large.

Les études littéraires qui puisent dans les travaux de sociologues (Marc Angenot, Guy Debord, Max Memni, Louis Balthazar) afin de cerner l’identité québécoise telle qu’exprimée par des auteurs de SF et de fantastique ne sont pas légion ces dernières années. Il fallait peut-être le regard à distance de Sophie Beaulé pour éclairer cette production. Le constat n’est pas nécessairement réjouissant et peut contenir des affirmations qu’on aimerait sans doute mieux ne pas entendre : « Tournée vers un passé dont on aggrave les blessures, l’idéologie du ressentiment exprime le fantasme de se retrouver “entre nous” et tente de maquiller une situation frustrante, perçue comme imposée, sans avoir à s’en affranchir vraiment ni à se critiquer. »

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 2000, Alire, p. 197.