Christine Hamel

Parution : Les Voies du fantastique québécois, Québec, CRELIQ, Nuit blanche éditeur, coll. Séminaire n˚ 3, 1990, p. 61-82.

Contrairement à la démarche habituelle, Christine Hamel se propose de démontrer que « Mutation » de Claudette Charbonneau-Tissot n’est pas fantastique et, ce faisant, de faire ressortir les conditions essentielles à l’existence du fantastique. Dans un premier temps, l’essayiste examine la diégèse qui ne manque pas d’amener le lecteur à se poser cette question : la narratrice est-elle folle ou a-t-elle réellement vécu ce qu’elle raconte ? L’hésitation, élément important de la théorie de Todorov, ne suffit pas ici à établir la nature fantastique du texte. Christine Hamel s’en remet plutôt à Irène Bessière qui fait de la « superposition de deux probabilités externes : l’une rationnelle et empirique qui correspond à la motivation réaliste, l’autre rationnelle et méta-empirique qui transpose l’irréalité sur le plan surnaturel », une condition essentielle du fantastique. Si la première partie de la proposition (la folie) se vérifie, la seconde partie ne se concrétise pas puisque le récit livre plusieurs indices que le personnage est victime d’une supercherie et non d’un événement surnaturel. 

Dans un deuxième temps, Hamel se penche sur la focalisation et le temps de la narration qui permettent d’en arriver à un même verdict. Ainsi, la focalisation ne varie pas de façon significative à travers les trois parties du récit basées sur la spatio-temporalité. Cela confirme que le monde du réel et celui du souterrain, s’il existe, ne font qu’un alors que le fantastique, en mettant en contact deux univers régis par des lois différentes, fait éclater l’unité du monde. Par ailleurs, la narration qui passe de l’imparfait et du passé composé au présent et au passé simple révèle certaines incohérences anachroniques qui soulignent le déséquilibre mental du personnage. L’analyse des structures du récit ne permet donc qu’une conclusion : « Mutation » n’appartient pas au corpus fantastique, que le récit soit le fait d’un esprit perturbé ou ait eu lieu réellement.

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1991, Logiques/Le Passeur, p. 194-195.