Élisabeth Vonarburg

Parution : Protée, printemps 1985, Chicoutimi, p. 113-120.

L’auteure questionne dans cette étude savante et universitaire la place du Savoir, de la Science, dans les textes de science-fiction. Elle rappelle d’abord que la SF est basée sur un rapport Même/Autre différent de celui qu’on trouve en littérature générale. « Le Même [...] n’a avec la réalité empirique du lecteur que des relations assez lointaines. Il porte le masque d’un Autre (autres lieux, autres temps, autres créatures), et il faut d’abord décrypter ce premier contraste pour accéder au contraste second entre ce Même déguisé et l’Autre véritable, le novum ».

L’utilisation du Savoir dans la SF répond en premier lieu à la nécessité de produire des effets-de-réel. La Science, en effet, est synonyme de Réel, donc de Vrai. L’association entre la Science et la fiction serait ainsi garante de sérieux et tendrait à légitimer l’existence du genre.

Mais la Science est aussi une façon de penser, bien plus qu’un contenu à proprement parler. À cet égard, la démarche créatrice de l’écrivain ressemble à la démarche du savant qui, partant de l’observation du réel, formule des hypothèses. « Tous deux fabriquent des modèles, des analogues du monde réel et les soumettent à la méthode expérimentale. » Cependant, Élisabeth Vonarburg distingue entre le faux et le vrai Savoir. Certains auteurs, de formation scientifique, utilisent la SF pour « spéculer sur les théories qui ne sont pas étudiables en laboratoire – ce qui reste la pierre de touche de la scientificité ». Ce sont les représentants de la SF dure.

Par contre, l’usage du faux Savoir est plus largement répandu en SF. En utilisant les apparences du discours scientifique comme une sorte d’opium-du-peuple, l’auteure estime que la SF s’éloigne de son esprit initial qui consiste à remettre en question les préjugés.

Mais devant la difficulté de faire la différence entre vraie et fausse Science en SF, elle conclut que la vraie question ne se situe pas là puisque la Science « fonctionne surtout comme un système esthétique second, une nouvelle façon de dire le monde ». L’élément scientifique sert de déclencheur à l’imaginaire, de sorte que, insiste l’auteure, « la SF est une littérature fictionnelle, non une vulgarisation scientifique, ou de prophétie ».  

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 166-167.