Aurélien Boivin

Parution : Actes du 43e congrès de l'ACFAS, Montréal, 1976, p. 37-43.
Une version plus courte de cette étude est parue dans Québec français 20, Sainte-Foy, 1975, p. 22-24.

Tournant le dos aux tentatives de classification des contes du XIXe siècle selon la méthode de Propp, d’Aarne, de Bessières, de Todorov et autres théoriciens, Aurélien Boivin propose ici une approche plus modeste basée sur la thématique qui se dégage du corpus étudié. Il précise d’abord que le mot « conte » est utilisé au sens large de « récit » et qu’il embrasse à la fois le conte, la légende et la nouvelle. Boivin regroupe les contes (environ onze cents) en trois grandes catégories : les contes surnaturels, les contes anecdotiques et les contes historiques. Il s’attarde davantage sur la première catégorie parce que les contes surnaturels sont plus nombreux, particulièrement « révélateurs de l’âme québécoise et nous renseignent sur la vision du monde de nos ancêtres ». Les contes anecdotiques, qui s’apparentent à la nouvelle, lui semblent d’un intérêt moindre parce que le réel et la vraisemblance y ont préséance sur l’imaginaire des conteurs. Quant aux contes histo­riques, beaucoup moins nombreux que dans les deux autres catégories, ils sont peu intéressants car le conteur a moins le souci de la vérité historique que les romanciers, ce qui l’expose aux « erreurs grossières et aux ana­chronismes ».

Aurélien Boivin rassemble sous la bannière du conte surnaturel « tous les contes où se manifeste un être ou un phénomène surnaturel quelconque, qu’il soit vrai ou faux, accepté ou expliqué ». Le merveil­leux chrétien, qui témoigne de l’attachement de la société canadienne-française à la religion catholique, y est florissant. L’essayiste cite de nombreux exemples qui illustrent que « tout manquement, toute transgression est immanquablement punie » en présentant les principales figures au centre de ces contes moralisateurs : la jeune fille coupable d’infidélité ou de coquetterie, l’homme qui pactise avec le diable, les loups-garous, les feux follets, les fantômes, les revenants.

Comme il s’agit là d’un corpus imposant qui n’est pas monolithique, Boivin le répartit en quatre blocs en utilisant les subdivisions proposées par Todorov : les contes étranges qui, tout en étant incroyables, singuliers, inquiétants, s’expliquent par les lois de la raison, les contes fantastiques-étranges qui entretiennent le doute dans l’esprit du lecteur mais qui reçoivent à la fin une explication rationnelle (surnaturel expliqué), les contes fantastiques-merveilleux qui débouchent sur l’acceptation du surnaturel (les récits les plus proches du fantastique pur, selon Todorov) et les contes merveilleux purs dont les événements sur­naturels ne provoquent aucune réaction particulière chez les personnages (les contes de fées, peu présents dans le corpus, alors qu’ils feront une entrée en force dans notre littérature au cours de la période 1900-1939).  

Source : Janelle, Claude, Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 220-221.