Sophie Beaulé

Parution : Solaris 99, Hull, 1992, p. 46-54.

Sophie Beaulé fait ressortir dans cette étude les similitudes et les diffé­rences entre les auteurs mainstream et les auteurs spécialisés dans leur pratique respective de la science-fiction au Québec. Pour ce faire, elle classe la pro­duc­tion selon deux tendances : « Tandis que la première fait participer la SF à une production axée principalement sur l’exploration formelle novatrice, la seconde intègre les genres non canoniques à un éclatement baroque du roman réaliste traditionnel. » Elle range sous la première tendance Reliefs de l’arsenal de Roger Des Roches, La Manufacture de machines de Louis-Philippe Hébert et Les Anthropoïdes de Gérard Bessette. La seconde tendance comprend Patience et Firlipon de Jacques Benoit, Va voir au ciel si j’y suis d’Emmanuel Cocke, Le Piano-trompette de Jean Basile et Aaa, Aâh, Ha ou les amours malaisées de François Barcelo.

Elle note dans le premier cas, après une analyse serrée des procédés utilisés dans ces œuvres, que « la distanciation formelle proposée par les auteurs issus du milieu SF (dans les productions expérimentales des débuts d’imagine…) se montre plus approfondie ». Toutefois, cette recherche de techniques novatrices a été de courte durée, l’univers fictionnel reprenant ses droits en raison du public de SF qui « revendique la prédominance du contenu sur la forme ».

Dans le second groupe, si la distanciation baroque pratiquée par les auteurs mainstream et les auteurs issus du milieu SF converge vers un même but, la subversion de la littérature par le mélange des genres et l’émergence d’une esthétique de l’« impureté », l’attitude de ces deux fratries de praticiens vis-à-vis de la SF diffère complètement. Les auteurs mainstream rejettent l’étiquette SF tandis que les autres s’en réclament. Cette divergence amène Sophie Beaulé à se pencher sur la réception critique des textes de SF issus du milieu. Elle reprend la thèse de Gérard Klein qui distingue trois réactions de l’institution envers la SF : 1) l’ignorance, exprimée par le silence de la critique ; 2) l’enfermement, qui renforce l’isolement de la SF en lui attribuant un statut inférieur l’apparentant aux littératures populaires ; 3) le procès en dissolution, qui veut qu’un texte de SF de bonne qualité soit accepté comme faisant partie de la Littérature et, partant, que son appartenance au genre soit déniée ou passée sous silence. L’essayiste conclut que la problématique de la SF au Québec reflète « les sentiments contradictoires de la culture savante face au populaire ».   

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1992, Alire, p. 214.