Guy Bouchard

Parution : Les Ailleurs imaginaires, Québec, Nuit blanche éditeur, 1993, p. 53-75.

Dans la première partie de sa communication, Guy Bouchard décortique un grand nombre de définitions proposées par les théoriciens des genres littéraires pour cerner l’utopie, la science-fiction, le fantastique et la fantaisie (fantasy) et examine les rapports que l’utopie entretient avec les trois autres genres qui relèvent de la littérature irréaliste. La discussion amène l’essayiste à envisager chaque fois trois types de figures possibles : l’inclusion, l’exclusion et l’intersection.

Bouchard invalide en quelques paragraphes les prétentions de ceux (Scholes, Plattel) qui rattachent la SF à l’utopie pour conclure momentanément que ce serait plutôt le contraire si l’on admet que l’utopie est une « fiction qui met l’accent sur le thème socio-politique idéalisé ». Le philosophe dispose ensuite des arguments des théoriciens pour qui la SF est une forme de fantastique ou de fantaisie. Alors que la SF est respectueuse de la vraisemblance, qu’elle fait souvent appel à l’anticipation et à un contenu techno-scientifique qui jettent les bases d’une société différente de la société de référence, le fantastique, pour sa part, favorise l’irruption du surnaturel dans le monde réel sans se soucier de vraisemblance. Quant à la fantaisie, elle ne rationalise pas le monde qu’elle dépeint, s’en remettant à la magie plutôt qu’aux explications scientifiques. Bref, ces trois genres sont en rapport d’exclusion réciproque.

L’utopie se rattacherait-elle donc uniquement à la SF ou peut-elle s’accommoder d’univers fantaisistes ? C’est à cette question que Guy Bouchard consacre la seconde partie de son étude en se penchant sur un corpus de vingt utopies féministes (Le Guin, Renard, Russ, Vonarburg, Stanton, Atwood, Callenbach, Wittig, Tiptree, d’Eaubonne) qui constituent, à ses yeux, une seconde mutation du genre dans la mesure où elles renouent en général avec la tradition de l’utopie positive en décrivant des sociétés meilleures en raison de la transformation de leurs structures sociales qui découlent de la sexualisation des êtres humains. Dans la grande majorité des cas, ces œuvres relèvent de la science-fiction car elles comportent une anticipation, explicite ou implicite, en ce qui a trait au contenu techno-scientifique. Toutefois, trois de ces utopies (Le Guin, Bersianik et Rochefort) présentent un univers qui les relient à la fantaisie sans pour autant qu’elles soient dépourvues d’une réflexion critique, ce qui permet à Guy Bouchard de conclure que la « la SF n’a pas le monopole de la “distanciation cognitive” ».

Source : Janelle, Claude, L'ASFFQ 1993, Alire, p. 213.