Fabien Ronco

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2024, 115 pages.

Résumé
Ce n’est pas un hasard si Tolkien évoque l’effet d’enchantement dans son essai Du conte de fée. Passionné par les légendes anciennes – anglaises, mais aussi scandinaves –, Tolkien s’en inspire largement pour écrire des épopées et inventer des mondes qui servent de cadre aux langues qu’il crée. Son souci du détail le pousse à réécrire de nombreuses fois les mêmes histoires, variant les formes, changeant un détail ou restructurant toute la trame pour obtenir le fameux effet d’enchantement. Du conte de fée apparait donc comme une réflexion sur son processus d’écriture autant qu’une analyse de ce qu’on appelle le conte de fée. Le Seigneur des Anneaux est un exemple édifiant de ce processus d’écriture. Ne laissant rien au hasard, Tolkien a veillé à offrir les meilleures conditions pour que le lecteur expérimente l’enchantement tout au long d’une histoire ancrée dans un Monde Secondaire à la fois familier et merveilleux. Mais quelles sont les caractéristiques de cet effet d’enchantement ? Comment se manifeste-t-il ? Quelles sont les conditions pour qu’il se maintienne tout au long d’un récit ? Que nous apporte-t-il ?

Le premier chapitre de ce mémoire s’attache à replacer l’enchantement dans le contexte de la fantasy. L’étude des définitions données par quelques auteurs permet de caractériser le domaine de la fantasy et d’en situer les limites. Nous étudions également la définition que propose Tolkien lui-même dans son essai, dans lequel il introduit les notions de Monde Secondaire et de Croyance Secondaire avant de comparer l’effet d’enchantement aux termes proches pour en retirer des caractéristiques essentielles.

Dans le chapitre deux, les théories de la lecture sont convoquées afin de préciser les conditions d’apparition de l’enchantement. Nous montrons comment la posture du lecteur est essentielle pour que l’enchantement se manifeste avant d’examiner comment l’encyclopédie du lecteur (Eco) et la xénoencyclopédie (Saint-Gelais) permettent au lecteur d’activer ses connaissances et ses expériences de lecture passées pour comprendre le texte qu’il a sous les yeux. La théorie des monde fictionnels (Wolf) met ensuite en lumière le travail titanesque de Tolkien sur son monde d’Arda qui est tout sauf anecdotique dans la manifestation de l’enchantement. Nous observons tour à tour les caractères familier, merveilleux, vraisemblable et profond de la Terre du Milieu imaginée par Tolkien.

Enfin, le troisième chapitre est consacré à l’exploration de ce Monde Secondaire selon l’approche géopoétique proposée par Rachel Bouvet. Nous prêtons une attention particulière aux cartes et à leur utilité aussi bien pour l’auteur que pour le lecteur. Il s’agit de montrer comment les cartes permettent de déployer un monde qui dépasse largement la narration et invitent au voyage et à l’exploration. L'examen des interactions des peuples avec leur environnement, appuyé par la notion de médiance (Berque), met en évidence les modes d’habiter en Terre du Milieu. Puis nous examinons en particulier le parcours des héros avant de terminer en montrant comment l’enchantement permet de transposer l’expérience de lecture dans le monde réel.

Table des matières
Remerciements ii
Table des matières iii 
Liste des figures v
Liste des abréviations vi

Résumé vii

INTRODUCTION 1 

CHAPITRE 1 : LES MONDES MERVEILLEUX DE LA FANTASY 6
1.1 La fantasy 6
1.2 L’enchantement et les termes proches 14

CHAPITRE 2 : VOYAGE (IN)ATTENDU EN TERRE DU MILIEU 20
2.1 Immersion dans la fiction 21
2.1.1 Les conditions initiales de l’enchantement 21
2.1.2 À la découverte du texte 25
2.1.3 Déchiffrer les formules magiques du texte 29
2.1.4 Une Terre du Milieu familière 34
2.1.5 Un monde merveilleux 38
2.1.5.1 Des lieux extraordinaires 39
2.1.5.2 Des créatures et des peuples revisités 43
2.2 Maintenir l’enchantement 46
2.2.1 Des langues 47
2.2.2 Des légendes et une Histoire 50
2.2.3 Une trame narrative solide 52

CHAPITRE 3 : HABITER LA TERRE DU MILIEU : ALLER ET RETOUR 57
3.1 Approche géopoétique 57
3.2 Des cartes pour déployer un vaste univers 63
3.3 Habiter la Terre du Milieu : une question d’espace et d’affinité 71
3.3.1 Le Comté 72
3.3.2 La Lothlórien 78
3.3.3 Fangorn 85
3.3.4 Le Mordor 90
3.4 Un habiter en mouvement : le parcours des héros 94
3.4.1 Aragorn 94
3.4.2 Les Hobbits 96
3.4.3 Le cas particulier de Frodo 98

CONCLUSION 101
Annexe A : La carte de Thror 110
Annexe B : La carte de la Terre du Milieu 111
Bibliographie 112