Hélène Taillefer

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2009, 105 pages.

Résumé
Ce mémoire porte sur la figure de l'intelligence artificielle, en ce qu'elle permet d'incarner les craintes et les angoisses mises au jour par la critique sociale véhiculée dans les fictions dystopiques. Il analyse les manifestations d'êtres-machines et de structures de contrôle social créés par l'humanité, et dont la conduite témoigne d'une forme d'intelligence ; il montre ainsi en quoi certaines structures sociales se calquent sur les machines pensantes imaginées. S'appuyant sur une approche pluridisciplinaire qui fait notamment appel aux domaines de la cybernétique, de la biologie et de la science politique, cette étude de la dystopie se concentre plus particulièrement sur le corpus littéraire suivant : Nineteen Eighty-Four, de George Orwell, Le Dépeupleur, de Samuel Beckett, et Neuromancer, de William Gibson.

Prenant ses racines dans l'utopie, la dystopie a été façonnée au XIXe siècle à partir des craintes et des désillusions liées à une industrialisation qui modifiait radicalement le mode de vie humain. Dans ce type de fictions, les rapports de force entre l'humanité et ses outils – ses créations – basculent, car la technique y permet la transmission d'un ascendant sur l'être humain. Cette emprise se voit exacerbée par la machine pensante, dont l'accession à la vie autorise un niveau d'indépendance et d'initiative inaccessible à ses prédécesseurs. Ce faisant, l'intelligence artificielle permet d'imager le déplacement de point focal qui s'opère quand l'outil devient une fin en soi, de même qu'elle illustre les potentialités asservissantes d'une utilisation inconsidérée de la technique.

À l'image de l'être artificiel, les structures machiniques de la dystopie acquièrent suffisamment d'autonomie pour pouvoir, elles aussi, attenter à la souveraineté de l'individu. L'humain, noyé au sein de ces structures qui le submergent, n'est alors plus qu'une composante insignifiante dont la spécificité se fait systématiquement gommer par la machine sociale. En définitive, qu'il s'agisse d'un être ou d'un système, la figure de l'intelligence artificielle apparaît comme un sujet agissant, qui incarne la propension de la dystopie à réduire l'individu à l'état de pion.

Table des matières
Résumé v
INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : L'UTOPIE MODERNE, OU LE RÊVE DEVENU CAUCHEMAR 11
1.1 Le rêve utopique 12
1.1.1 Pour une signification d'utopia 12
1.1.2 Un phénomène difficile à circonscrire 13
1.1.3 L'utopie comme Idéal 15
1.1.4 Le dilemme utopique 16
1.2 Le cauchemar dystopique 20
1.2.1 Un nouveau paradigme utopique 20
1.2.2 Pour une signification de dystopie 21
1.2.3 Modernité et dystopie 22
1.2.4 La dystopie cyberpunk 27
1.3 Sans rêves, plus de cauchemars 30

CHAPITRE 2 : MACHINATIONS 31
2.1 Cybernétique et dystopie 33
2.1.1 Une quête d'absolu 33
2.1.2 La mise en garde de la cybernétique 35
2.1.3 Quelques réserves face à la cybernétique 38
2.2 L'inversion des rôles 42
2.2.1 La technique succède à l'humain 42
2.2.2 L'humain devient machine 49
2.3 Technologie et servitude 54
2.3.1 Le contrôle sur l'humain 54
2.3.2 Le corps, lieu de la servitude 61
2.4 Ni homme ni machine 65

CHAPITRE 3: L'AVÈNEMENT DE LA SOCIÉTÉ-MACHINE 66
3.1 Quand la machine devient sociale 68
3.1.1 Le système émergent 68
3.1.2 La machine à gouverner 70
3.1.3 Incarnations de la société-machine 74
3.2 La machine sociale au pouvoir 80
3.2.1 Un contrôle omniprésent 80
3.2.2 Le rapport à la loi 86
3.2.3 L:environnement comme vecteur de la société-machine 90
3.3 La faillite de l'individu 94

CONCLUSION 96
Bibliographie 101