Marie Leduc

Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2020, 121 pages.

Résumé
Depuis 1984 (1949) de George Orwell, la télévision et les regards (panoptiques et synoptiques) qu’elle engendre constituent un leitmotiv du genre dystopique. Dans les dystopies Acide sulfurique (2005) d’Amélie Nothomb et Les Sorcières de la République (2016) de Chloé Delaume, ils occupent une place centrale. Imposant une façon de voir au moyen du cadrage de la caméra et transmettant le contenu filmé à un nombre illimité de téléspectateurs, ils sont responsables de l’horrible traitement des protagonistes. Les héroïnes, Pannonique et la Sybille, sont exposées sans leur accord sur les écrans des habitants de leur pays qui se divertissent de leurs malheurs.

Les œuvres des autrices à l’étude critiquent toutes deux, chacune à leur manière, la « société du spectacle » (Guy Debord, 1967) qu’encourage la télévision. Suivant des perspectives intermédiales et féministes, ce mémoire s’intéresse aux conséquences de la contamination non seulement des personnages féminins mais également du genre romanesque lui-même par les regards télévisuels. Il semble avant tout qu’ils aient un effet non négligeable sur les protagonistes, puisqu’elles sont jugées selon leur apparence par les téléspectateurs et que leur sexe conditionne l’image qui leur est attribuée (la sorcière, la vierge, l’amoureuse, etc.). Or, l’impact des regards télévisuels ne se limite guère à l’intrigue des romans, puisqu’ils contaminent aussi la forme, la structure et la narration des œuvres. Acide sulfurique et Les Sorcières de la République apparaissent comme des « livres-écrans » qui font adopter la position de téléspectateur à leur lectorat et accueillent simultanément le virus télévisuel au sein du livre, tout en le combattant de l’intérieur.

Table des matières
Résumé i
Abstract ii
Table des matières iii
Liste des abréviations v
Remerciements vi
INTRODUCTION 1
La dystopie 2
L’effet de « contamination » et les études intermédiales 10

PARTIE 1 : REGARDS ET VIOLENCE 14
1.1 Théories du regard 14
1.1.1 Perspectives sociologiques 17
1.1.2 Perspective psychanalytique, psychologique et voyeurisme 19
1.1.3 Le plaisir scopique et les médias de l’écran 22
1.1.4 Perspectives féministes 24
1.2 Définir les « regards télévisuels » 26
1.2.1 Le regard de la caméra de télévision 26
1.2.2 Le regard du téléspectateur 28
1.3 La critique des regards télévisuels 31

PARTIE  2 : REGARDS TÉLÉVISUELS ET REPRÉSENTATION DES PERSONNAGES FÉMININS 42
2.1 Le personnage féminin à l’écran : monstration d’images archétypales 42
2.1.1 Katniss, l’Amoureuse-Amazone 43
2.1.2 Pannonique et Zdena, ou la belle vierge et la femme monstrueuse 48
2.1.2 La Sybille(-Sorcière) 51
2.2 Le corps féminin sacrificiel : un objet que dissèque l’œil 54
2.3 Sortir des regards télévisuels, sortir des images 61

PARTIE  3 : LE LIVRE-ÉCRAN : PERSPECTIVES INTERMÉDIALES 72
3.1 Acide sulfurique : rencontre du livre et de la téléréalité 72
3.1.1 Un lectorat voyeur 73
3.1.2 Simuler l’observation 76
3.2 Les Sorcières de la République de Chloé Delaume : une lectrice qui voit et qui entend 81
3.2.1 En direct : le narrateur-caméra 81
3.2.2 Trame sonore : faire entendre les mots 85
3.2.3 Donner à voir : rapprocher la lectrice du téléspectateur 86
3.2.4 La page et l’écran 91
3.3 Le livre-écran : résistance et ouverture du livre 98
3.3.1 Critique de la télévision et des regards télévisuels 98
3.2 Pourquoi combiner le livre et l’écran ? 102

CONCLUSION 106
Bibliographie 114