Marc Gaudreault

Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 2014, 394 pages.

Résumé
Cette thèse est un essai d'épistémocritique qui réfléchit sur les effets narratifs des distorsions spatio-temporelles lorsqu'elles sont insérées dans des textes de fiction appartenant aux genres science-fictif et fantastique. L'approche y est celle d'une classification des distorsions spatio-temporelles en neuf catégories formant autant de chapitres : téléportation, vortex dimensionnel, espace intercalaire, labyrinthe, paradoxe de Langevin, voyage dans le temps, multivers, hyperespace, singularité.
Dans chaque cas de figure, la distorsion spatio-temporelle alors étudiée est remise dans son contexte physique, au sens où il est spécifié comment elle sort du cadre nomologique offert par l'espace-temps post-einsteinien. En ce sens, différentes disciplines provenant des sciences dures sont invoquées, dont la physique a la part belle. Il s'agit donc de valider l'imagination des auteurs employant les distorsions spatio-temporelles, par le truchement de la confrontation de celles-ci à ce que le réel de la science nous enseigne.

À travers cette catégorisation, cette thèse tente de dégager, en filigrane des différentes analyses de fictions qui servent d'exemplum à chacune de ces catégories, les grandes lignes d'une poétique du discours scientifique. Celle-ci se centre sur la notion d'alibi scientifique, lequel sert de justification aux dérogations effectuées à ce que l'on connaît, dans notre réel, de la science en général et de l'espace-temps en particulier. La poétique du discours scientifique participe alors à l'élaboration du texte « réussi », au sens où l'adhésion du lecteur est garantie par le sentiment d'émerveillement ou d'étrange fantastique, selon le cas, qui se dégage de la lecture du texte et qui en assure la qualité. Partant de là, la vraisemblance et la crédibilité dans les descriptions des dérogations au cadre nomologique sont montrées ici comme étant au cœur d'une poétique du discours scientifique, laquelle porte autant sur la narration en général que sur sa forme, qui doit dépasser le didactisme outrancier, afin que l'heuristique qui s'en dégage soit celui d'une quête de la connaissance s'effectuant sur plusieurs niveaux allant de la caractérisation des personnages jusqu'à l'acte de lecture, où la beauté du signifiant emprunté au langage scientifique correspond à celle d'une sonorité nouvelle parce que fruit d'une hybridation langagière.

Les distorsions spatio-temporelles elles-mêmes sont présentées ici comme des outils d'une importance majeure dans le processus d'écriture des deux genres étudiés, et doivent conséquemment être utilisés en tant que procédés littéraires venant alimenter la narration et la mise en intrigue. S'ils servent parfois d'artifice au contournement d'une loi de la physique, leur emploi peut également faire office de moteur diégétique, de nœud central de l'intrigue sans lequel il n'y aurait tout simplement pas de récit de fantastique ou de science-fiction. C'est dans l'élaboration de l'univers diégétique – ce que le domaine anglo-saxon nomme le world building – lors du processus créateur, que la compréhension de leurs mécanismes inhérents qu'offre cette thèse prend tout son sens, puisque les clés offertes ici permettent d'éviter l'erreur scientifique, laquelle non seulement brise l'acte de lecture de celui qui la relève, mais peut fort bien condamner le texte qui l'effectue au moment de sa publication à la risibilité et à l'échec.  

Table des matières
Table des figures vi
Résumé viii
INTRODUCTION 1
De l'espace-temps aux distorsions spatio-temporelles 3 
Une approche épistémocritique au problème des distorsions spatio-temporelles 6
Science-fiction et fantastique : définitions génériques 12 
Circonscrire la SF par son histoire littéraire 22
Le problème générique lié au corpus de Lovecraft 25
La « Hard SF »ou la quintessence de l'épistémologie 28 
Les pièges du langage hybridant science/littérature 33 
Concepts-clés : prémisses à une poétique du discours scientifique 35
L'importance de la vraisemblance 40
L'alibi scientifique 42
L'impossible est relatif 45 
Méthodologie 50

CHAPTIRE 1 : LA TÉLÉPORTATION 52

CHAPITRE 2 : LE VORTEX DIMENSIONNEL 89

CHAPITRE 3 : LES ESPACES INTERCALAIRES 127 

CHAPITRE 4 : LE LABYRINTHE 157 

CHAPITRE 5 : VOYAGER À LA VITESSE DE LA LUMIÈRE ET LE PARADOXE DE LANGEVIN 202

CHAPITRE 6 : LE VOYAGE DANS LE TEMPS 240 

CHAPITRE 7 : LE MULTIVERS  282 

CHAPITRE 8 : L'HYPERESPACE 312 
8.1 L'hyperdimension ou la dimension transitionnelle 315
8.2 Replier l'espace-temps ou voyager sans se déplacer 319
8.3 Le pont d'Einstein-Rosen ou le tunnel inter-univers 324
8.4 Le « warp drive » ou la bulle spatio-temporelle 329

CHAPITRE 9 : LA SINGULARITÉ : POUR UNE POÉTIQUE DU DISCOURS SCIENTIFIQUE 337

CONCLUSION 366 
Annexe A : Cônes de lumière événementiels de Minkowski 379 
Bibliographie 383