Frédérique Trudeau

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2023, 171 pages.

Résumé
Notre mémoire porte sur la littérature d’horreur québécoise produite par des femmes, plus spécifiquement sur la relation entre les femmes, la peur et la violence dans ces textes. Nous ferons l’analyse de dix nouvelles tirées de trois recueils : Monstres et Fantômes (2018), D’autres mondes (2020) et Horrificorama (2018). Nous montrerons que dans cette production littéraire, le genre de l’horreur est utilisé, d’une part, pour dénoncer le traitement des femmes dans notre société par une horrification du quotidien des femmes et, d’autre part, pour critiquer une image figée de la féminité par une inversion des rôles littéraires et sociaux.

Dans notre premier chapitre, nous dresserons d’abord le portrait de l’état des violences contre les femmes au Québec en ayant recours à des études issues de la sociologie et de la criminologie. Nous présenterons ensuite la peur d’un point de vue théorique et en identifierons les composantes. Nous terminerons ce chapitre en abordant la peur comme structure narrative, en nous appuyant sur des études formelles sur l’horreur. Ces dernières nous permettront de dégager les composantes principales des récits d’horreur (monstre, effet de suspense, structure du retour à la normalité) et les effets de lecture propres à ce genre (peur, dégoût).

Notre deuxième chapitre présentera l’analyse de cinq nouvelles dans lesquelles les femmes occupent le rôle de victime. Nous verrons que les protagonistes connaissent soit la mort, l’incertitude ou la vengeance. Nous nous intéresserons aux violences physiques et psychologiques (viol, violence conjugal, trauma, harcèlement, etc.) dont sont victimes les femmes, agressées par des hommes de leur entourage. Nous verrons comment le quotidien des protagonistes subit une horrification dans les textes (effets de lecture, types de narration, point de vue narratif, etc.)

Dans notre troisième chapitre, nous ferons l’analyse de cinq nouvelles où les femmes sont les bourreaux. Nous verrons que la monstruosité féminine peut prendre plusieurs formes (mères monstrueuses, torture, agressions sexuelles) et que les violences sont physiques et extrêmes, notamment dans les textes appartenant au sous-genre du gore. Ces nouvelles inversent les rôles littéraires et sociaux par la mise en scène de tortionnaires féminines sans pitié.

Cette double analyse permettra de mieux cerner la spécificité thématique et formelle de l’horreur au féminin, qui dénonce les conséquences néfastes de la violence masculine et des attentes sociales liées à la féminité et à la maternité.

Table des matières
Résumé v
INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 :  FEMMES, PEUR ET HORREUR : APPUIS THÉORIQUES 9
1.1 Les femmes et la peur 9
1.1.1 L’état des violences contre les femmes 9
1.1.2 L’apprentissage de la peur 13
1.1.3 La normalisation de la violence masculine 15
1.1.3.1 Le genre des émotions 15
1.1.3.2 Le paradoxe de la violence masculine 18
1.2 Définir la peur 20
1.2.1 Distinctions sémantiques 20
1.2.2 Les registres de la peur 22
1.3 La peur comme structure narrative 23
1.3.1 Les champs narratifs de la peur 23
1.3.2 Les fonctions du récit d’horreur 27
1.3.3 Les mécanismes du récit d’horreur 29
1.3.3.1 Le monstre 29
1.3.3.2 L’effet de suspense 31
1.3.3.3 La menace à la stabilité 32

CHAPITRE 2 : CES FEMMES QUI ONT PEUR 35
2.1 La mortalité : la dépossession du corps 36
2.1.1 La mort réelle : « Quel beau chalet, hein » de Catherine Côté 36
2.1.2 La mort symbolique : « Love Will Tear Us Apart » de Marie Demers 46
2.1.3 Punir les femmes 55
2.2 Le doute : entre réalité et imagination 56
2.2.1 Vivre dans l’incertitude : « Paréidolies » de Mélissa Verreault 57
2.2.2 Vivre dans la peur : « Le chat noir et autres contes » de Maude Nepveu-Villeneuve 67
2.2.3 « La femme folle » 78
2.3 Prendre les choses en main 82
2.3.1 Entre Final Girl et justicière : « Sean » d’Isabelle Lauzon 82
2.4 Vers la violence féminine 93

CHAPITRE 3 : CES FEMMES QUI FONT PEUR… ET QUI DÉGOÛTENT 97
3.1 Les mères monstrueuses 98
3.1.1 De l’épuisement à l’étouffement : « Les renégates » de Jade Bérubé 98
3.1.2 De la protection à l’agression : « Et le Mal, et la mère » de Geneviève Jannelle 106
3.1.3 Une violence typiquement féminine ? 115
3.2 Le plaisir de la violence 117
3.2.1 La violence gratuite : « Les vacances » de Lily Pinsonneault 119
3.2.2 Prendre goût à la violence : « Amigore Express » d’Erika Soucy 130
3.2.3 Le corps comme outil de torture : « Crudité » de Marie-Hélène Larochelle 137
3.3 Femmes extrêmes 146

CONCLUSION 153
Bibliographie 164