Chantale Tremblay

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2011, 140 pages.

Résumé
À l'aube du XXIe siècle, la littérature merveilleuse connaît un regain de popularité, particulièrement avec la venue de phénomènes éditoriaux tels que la série Harry Potter. Les sept romans de Joanne Kathleen Rowling, publiés entre 1997 et 2007, sont l'objet d'une popularité toujours croissante à chaque nouvelle publication. L'intérêt pour la littérature merveilleuse n'est cependant pas nouveau, particulièrement en Grande-Bretagne ; en effet, ce point du globe a été le berceau d'une vague d'engouement pour la littérature merveilleuse tout aussi forte environ 150 ans plus tôt, avec la publication du roman Alice's Adventures in Wonderland. La liste des auteurs qui ont été inspirés par Carroll, ou du moins qui ont contribué à faire gonfler la vague, est passablement longue. Dans ces sociétés où l'enfant possède une importance capitale, que ce soit la société victorienne ou la nôtre, il n'est pas si étonnant que les ouvrages qui le concernent captent autant l'intérêt du public. Cependant, ce ne sont pas tous les romans qui parlent des enfants qui connaissent le même succès ; comment expliquer que le choix des lecteurs s'arrête sur telle œuvre plutôt que sur telle autre ? Nous postulons que la popularité de certains ouvrages réside principalement dans le processus de lecture qui prévaut dans chacun d'eux. L'acte de lecture est une activité complexe ; certains textes demandent à être lus un peu de la façon dont on participe à un jeu, soit en étant confronté à des indéterminations et en résolvant des énigmes, mais surtout en se laissant prendre au jeu du « let's pretend ». Dans les œuvres qui retiennent notre attention pour cette étude, soit les deux romans de Carroll mettant en scène le personnage d'Alice ainsi que les sept romans de la série Harry Potter, de nombreux effets de lecture nous permettent de démontrer ce postulat.

Dans le premier chapitre, nous procédons à un court compte rendu des connaissances concernant les genres littéraires auxquels se rattachent les œuvres de notre corpus, c'est-à-dire le merveilleux et la fantasy, ainsi que les éléments caractéristiques de ceux-ci. Nous présentons ensuite différents outils provenant des théories de la lecture qui nous permettront de mieux saisir les mécanismes du texte contribuant à provoquer un fort phénomène d'adhésion chez le lectorat, tels que la théorie des mondes possibles (Eco) ou celle des univers fictionnels (Pavel), les concepts d'indétermination (lser) et de préconstruit (Thérien), les régies de lecture (Gervais) ainsi que des théories présentant la lecture comme un jeu (Calinescu et Picard).

Dans le deuxième chapitre, nous montrons comment les œuvres de notre corpus, en s'inscrivant dans le genre merveilleux et en parlant de l'enfant, suggèrent un cadre de lecture ludique. Les nombreuses allusions au jeu qui les parsèment, que ce soit le jeu d'échec, de Quidditch, ou encore celui du « faire-semblant », ainsi que les stratégies textuelles qui s'y trouvent conduisent le lecteur à procéder à une construction mentale des univers qui lui sont présentés de la même façon qu'il résoudrait des énigmes. Les blancs laissés dans le texte contribuent à stimuler son imagination et les effets de surprise, largement présents dans ces textes, augmentent le plaisir ressenti lors de la lecture. Toujours dans le deuxième chapitre, nous démontrons que les auteurs utilisent des procédés semblables en ce qui concerne l'organisation spatiale de leurs univers ; ils utilisent des frontières instables et perméables qui font hésiter le lecteur quant aux propriétés du monde dans lequel il pénètre et qui le désorientent.

Enfin, dans le troisième chapitre, nous voyons comment l'identité des personnages se construit autour d'un noyau fixe, constitué par le nom du personnage, ainsi que d'une partie mobile et morcelée, soumise aux transformations. La quête identitaire qui fait l'objet des œuvres de notre corpus contribue à renforcer l'identification au personnage, puisque ces œuvres s'organisent autour d'une construction en miroir, qui fait en sorte que le monde de la fiction reflète le monde réel connu du lecteur.

Table des matières
Remerciements ii
Table des matières iv
Liste des figures vi
Liste des abréviations vii

Résumé viii
INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : LA LECTURE ET SES MERVEILLES 7
1.1 Le merveilleux 7
1.2 Les théories de la lecture 16
1.2.1 Théorie des mondes possibles et du lecteur modèle 16
1.2.2 Les univers fictionnels 19
1.2.3 Les indéterminations du texte 23
1.2.4 Les processus de lecture et les préconstruits 24
1.2.5 Le code énigmatique et l'effet de réel 27
1.2.6 Les économies de lecture 28
1.2.7 La lecture comme jeu 30

CHAPITRE 2 : LES AVENTURES DU LECTEUR MOLDU DANS LE WONDERLAND 32
2.1 L'univers du merveilleux (la question du genre) 33
2.2 L'univers de l'enfance 38
2.3 Le lecteur à la case de départ : accepter de jouer le jeu 42
2.4 Les stratégies du camp adverse : un art de l'illusionnisme 48
2.5 La planche de jeu : espace et frontières des univers d'Alice et de Harry 60

CHAPITRE 3 : LE PERSONNAGE, OU CELUl DONT ON DOIT PRONONCER LE NOM 76
3.1 Le pion 77
3.2 Le nom 78
3.3 Le non-being, ce que l'on ne nomme pas 86
3.4 L'identité déstabilisée (métamorphosée) 90
3.5 Le jeu du casse-tête à assembler 95
3.6 La règle du jeu : des univers en miroir 105
3.7 Rêve ou réalité ? L'énigme du contenant-contenu 119

CONCLUSION 127
Bibliographie 133
Liste des figures

Figure1 : La reine secouée dans les airs 72
Figure 2 : Kitty secouée dans les airs 73
Figure 3 : Poème Le Jabberwocky en miroir 106
Figure 4 : Poème Le Jabberwocky 106