Ann Alice Beusch

Mémoire de maîtrise, Université Laval, 1949, 136 pages.

Résumé
En 1947, nous avons suivi un cours de littérature comparée donné par M. le Professeur A. S. Noad de l'Université McGill. Pendant le premier semestre, nous avons étudié l'évolution du voyage imaginaire et de la littérature utopique à partir de Platon et de Lucien jusqu'à Consider their Ways de Groves publié en 1947. Nous nous sommes arrêtés assez longuement sur les chefs-d'œuvres de ceux qui ont ainsi rendu célèbre la littérature de ce genre : Morus, Campanella, Swift, H. G. Wells. On n'a pas négligé les moins connus cependant, et c'est ainsi que nous avons fait la connaissance de cinq auteurs français du XVIIe siècle dont les œuvres forment la base de notre thèse. 

Du premier nous ne connaissons à vrai dire que les initiales et son œuvre unique intitulée Le Royaume d'Antangil, qui est la première des utopies françaises. Le deuxième est Cyrano de Bergerac qui a écrit Les Estats de la Lune et Les Estats et Empires du Soleil. Vient ensuite Gabriel de Foigny, auteur de La Terre Australe connue (ou Les Aventures de Jaques Sadeur). Le quatrième est Denis Vairasse d'Alais dont L'Histoire des Sévarambes est assez remarquable. En dernier lieu, il faut citer le Télémaque de Fénélon dont nous n'avons utilisé que certaines parties. 

Plusieurs auteurs ont inclus dans leur ouvrage des études critiques des œuvres que nous venons de mentionner, chacun les traitant d'un point de vue particulier. M. Frédéric Lachèvre qui a donné des éditions remarquables du Royaume d'Antangil, de La Terre Australe connue et des œuvres de Cyrano de Bergerac, souligne dans des préfaces et dans les bibliographies d'auteur leur caractère libertin. En effet, ces œuvres font partie de toute une série préparée par M. Lachèvre et intitulée Le Libertinage au XVIIe siècle. M. van Wijngaarden qui a découvert Le Royaume d'Antangil prend le parti opposé ; il prétend que ces œuvres sont une réaction justifiable contre les misères et les abus qui gisaient sous les apparences brillantes du grand siècle. M. Lichtenberger y voit de lointains précurseurs du socialisme moderne. M. Atkinson les rattache surtout aux récits de voyages véritables.

Ces œuvres, cependant, appartiennent à une famille littéraire très vaste, à tendances politiques, sociologiques et philosophiques, dont les origines remontent à Platon et peut-être avant. Le but est toujours le même : l'auteur décrit une société imaginaire, utopique par sa perfection même, et qui différe autant que possible du milieu réel et parfois malheureux dans lequel il vit. 

En écartant toutes les autres préoccupations, nous nous sommes intéressés surtout à ce que ces auteurs proposent comme modèle de société nouvelle. Toutes les œuvres utopiques suivent certaines grandes lignes devenues traditionnelles dans la littérature de ce genre – le cadre d'un naufrage, un plan de gouvernement assez complet, une nouvelle forme de religion, un projet d'éducation tout à fait différent et pratique, une description des mœurs et des coutumes. Nous avons donc choisi de comparer entre eux les idées de nos cinq auteurs sur tous ces sujets, de les rattacher aussi à celles des utopistes contemporains en Angleterre, en Italie et en Allemagne et de les lier avec la pensée de leurs prédécesseurs et de ceux qui sont venus après eux. 

Table des matières
Avant-propos i
Bibliographie v

CHAPITRE 1 : ORIGINES ET DÉVELOPPEMENT DU VOYAGE IMAGINAIRE ET DE LA SOCIÉTÉ UTOPIQUE 1

CHAPITRE 2 : LE CADRE 18

CHAPITRE 3 : LE GOUVERNEMENT 44

CHAPITRE 4 : LA RELIGION 70

CHAPITRE 5 : L'ÉDUCATION ET LA JEUNESSE 92

CHAPITRE 6 : LES MŒURS ET LES COUTUMES 112

CONCLUSION 132