Marc-André Roy

Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 2017, 127 pages.

Résumé
Ce mémoire a pour principal objectif d'explorer l'évolution thématique et stylistique de l'écriture de Philip K. Dick, et de déterminer comment sa fiction produit, selon une pluralité de discours, une énonciation que l'on peut qualifier de « schizophrène ». En prenant comme point de départ les symptômes de la schizophrénie, qu'ils soient basés sur de réels signes cliniques ou sur une conception imaginaire de la maladie, Dick peut poursuivre son enquête sur l'énigme du réel et sur l'authenticité de l'humain, deux enjeux qui traversent toute sa fiction.

À partir des romans Martian Time-Slip et We Can Build You, nous examinons dans le premier chapitre à la fois la figure du schizophrène et l'acte d'énonciation qui, par l'entremise de différentes techniques littéraires, participe de l'écriture « schizophrène » caractéristique de la fiction de l'auteur. Dans ces romans, afin d'explorer les confins de la nature humaine, Dick montre la schizophrénie sous un aspect à la fois positif et négatif. Certains schizophrènes sont admirés, voire vénérés, principalement en raison de leur aptitude à l'empathie ou de leurs talents psioniques ; tandis que d'autres possèdent une personnalité schizoïde qui révèle une absence de compassion et une froideur inhumaine, ce qui les rend antipathiques, et même diaboliques, aux yeux des autres personnages. Toutefois, la frontière qui départage l'estimable du méprisable reste intentionnellement floue chez Dick. Pour traduire la perception du schizophrène, l'auteur s'amuse à varier les techniques narratives afin qu'elles reconstruisent la complexité de son rapport au réel. Il en résulte un choc entre le réel fictionnalisé par le récit, soit le monde qui existe à l'extérieur de la perception individuelle des personnages, et l'univers intérieur du schizophrène.

On constatera dans ce mémoire qu'avec VALlS – écrit à la suite d'expériences mystico-religieuses qui occuperont jusqu'à sa mort toute sa pensée –, Dick brouille volontairement les frontières de la science-fiction. Cet objet littéraire unique, que nous étudions aux chapitres deux et trois, est au croisement des genres puisqu'il relève à la fois de l'autofiction, de la littérature apocalyptique et de la science-fiction. Tout comme Martian Time-Slip et We Can Build You, VALlS met en scène un protagoniste – du nom de Phil Dick, que l'on ne doit pas confondre avec l'auteur – souffrant d'une forme de schizophrénie, et dont les visions, délires et dédoublements décrivent chacun une manifestation symptomatique d'une profonde crise identitaire. Exactement comme tous les autres personnages schizophrènes de Dick, le protagoniste de VALlS met en doute à sa manière le principe de réalité, en cherchant à soulever le voile des apparences. Nous verrons que sa recherche obstinée d'une vérité foncièrement insaisissable le mènera dans des dédales ontologiques obscurs desquels il ne pourra sortir indemne.

Table des matières
Résumé v
INTRODUCTION : UNE ÉCRITURE SCHIZOPHRÈNE 1

CHAPITRE 1 : DERRIÈRE LA GRIMACE DU RÉEL : LA SCHIZOPHRÉNIE DANS MARTIAN-TIME
SLIP ET WE CAN BUILD YOU 18
1.1 Schizophrénie et science-fiction 18
1.2 Le schizoïde et l'androïde 32
1.3 L'énonciation schizophrène chez Philip K. Dick 43

CHAPITRE 2 : RÉÉCRIRE SON HISTOIRE : LA SUBJECTIVITÉ DANS VALIS 48
2.1 L'incertitude ontologique 48
2.2 Il danse avec les fous 58
2.3 De la subjectivité en question 62

CHAPITRE 3 : À LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ : LA STRUCTURE SCHIZOPHRÈNE DE VALIS 77
3.1 Le paradoxe de VALIS 77
3.2 Les deux voix 81
3.3 Le film Valis et les faux-prophètes : la fuite dans l'imaginaire 87
3.4 Le retour de Horselover Fat ou la boucle de VALIS 107

CONCLUSION : LE CRÉPUSCULE DU HIBOU 112
Annexe A : Chronologie de la quête de la Rhipidon Society 121
Bibliographie 123