À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 125
Pagination
4-6
Lieu
Roberval
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un écrivain quitte le confort et la paix de la Cité pour rejoindre les Vrais Hommes. L’exil est irréversible, il le sait. Mais que vaut l’utopie lorsqu’elle est fondée sur la négation de l’individualité et de la sexualité ? Quel sens donner au travail de l’écrivain lorsqu’il suffit de programmer des ordinateurs qui puisent dans 4000 ans d’histoire littéraire ? Un écrivain aspire à autre chose.

Il entreprend donc une histoire nouvelle et originale : la sienne. Il construit péniblement son récit, phrase après phrase, selon les règles grammaticales des temps anciens. Il raconte sa métamorphose biologique, son départ de la Cité. Arrivé de l’autre côté des frontières, il doit abandonner son clavier et poursuivre à la main…

Première parution

À la main 1997

Autres parutions

Commentaires

Champetier imagine une société composée d’êtres asexués, une société fermée sur elle-même, sclérosée. Les transformations du corps, à l’âge de la puberté, sont refrénées à l’aide de drogues. Ainsi, les voix ne muent pas, les poils ne poussent pas et les pulsions sexuelles ne s’éveillent jamais. La différenciation de l’individu par le sexe appartient au passé, ou aux Vrais Hommes qui ont choisi de s’exiler hors de la Cité pour laisser leur corps se développer naturellement. Le langage des Citoyens s’est adapté à la réalité de l’asexualité : les accords féminins y sont désuets, le masculin exprime la neutralité. Notre narrateur-écrivain devra donc réapprendre les bonnes vieilles règles d’accord puisqu’il a choisi de vivre du côté des Vrais Hommes… (là où il y a aussi de vraies femmes…).

Le monde divisé mis en place par Champetier pose l’éternelle question du bonheur (utopie). Les Citoyens de la Cité vivent dans un corps d’enfant (qu’en est-il de la reproduction ?) et dans un monde totalement inoffensif. Toutes les pulsions de désir ou de violence ont été réprimées. La paix et l’ordre sont assurés, mais les gens ont perdu le sens du rêve et de l’aventure. Un écrivain refuse ce bonheur prévisible et cherche à renouer avec sa vraie nature, avec la part de chaos qui donne sens à la création et à la vie. Il franchit les limites de la ville, découvre un monde autre qui connaît le malheur et la misère. La société des Vrais Hommes ressemble en fait à la nôtre : elle comprend les Honnêtes qui disposent de peu de privilèges (les chômeurs), les Communs qui bénéficient de certains avantages et libertés (classe moyenne) et les rares Lauréats qui profitent de tout, à l’image des Citoyens de la Cité.

Dès le début de la nouvelle, le narrateur-écrivain interpelle directement le lecteur branché au Réseau. Il cherche à capter son attention, à le retenir. C’est que les lecteurs de la Cité ne sont plus familiers avec les formulations au JE et les accords du féminin. La réflexion sur l’écriture et la littérature (la mort de l’imagination et du livre) est au cœur de cette partie. À l’exemple de ce lecteur virtuel, nous suivons le cheminement intérieur du personnage jusqu’au moment où il devra se résoudre à couper le lien qui le rattachait à la ville-mère. C’est le moment de la délivrance. Une deuxième naissance. Mais là se termine la nouvelle…

« À la main » ressemble à un prélude, à un premier chapitre de roman. Champetier esquisse un univers intéressant sans avoir le temps de l’explorer. Tout se met en place pour que surgisse un événement lié à l’éveil du désir et à l’apprentissage de la liberté d’invention, pour que se développe une intrigue. Comment se déroulera la vie de l’écrivain, désormais sexué, parmi les Vrais Hommes ? Comment apprivoisera-t-il son nouveau corps, les pulsions, les multiples possibles de l’écriture à l’extérieur de la Cité ? [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 56-57.