À propos de cette édition

Éditeur
L'Opinion publique
Genre
Fantastique
Longueur
Feuilleton
Paru dans
L'Opinion publique, vol. III, n˚ 28
Pagination
336
Lieu
Montréal
Support
Papier
Date de parution
11 juillet 1872

Résumé/Sommaire

Jérôme Tanguay est « né pour faire un monsieur ». Malgré le fait qu’il soit un habitué des rudes besognes, il est décidé à respecter le mauvais calembour que la Providence lui a octroyé en guise de nom et « à passer le temps gaiement ». Sans avoir à chercher du travail, il en trouve toujours, ce qui lui permet de prendre congé quand cela lui plaît. Il célèbre ainsi trois petites fêtes par année, dont l’une durant la première quinzaine d’août. C’est à cette veillée qu’est convié monsieur Henri, le narrateur.

Au cours de celle-ci, reel, chansons de la Vieille France et tentatives de parler élections sont entrecoupées par des histoires de chasse « cousines germaines des aventures merveilleuses du Baron de Munchausen » et par les évocations de Gamache de l’Anticoste, d’une aventure avec un noyé, d’un souper avec le Juif-Errant, d’une rencontre avec la sirène et de l’explication de ce que sont les marionnettes (qui, en dansant, fascinent le chanteur au point d’en emporter son âme).

Lorsque sonne onze heures, le père de madame Tanguay, le vieux Jean-Pierre, se lève et secoue sa pipe : c’est le signal de la prière et du départ. Et c’est ainsi, de conclure le narrateur, « que les bonnes gens d’en bas s’acheminent sans regrets, sans désirs et sans remords, vers le coin obscur du cimetière de leur paroisse ».

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Commentaires

Malgré l’impression un peu lugubre que peut donner la fin de ce résumé, « À la veillée » est un récit plein de vie, rempli d’éléments, fantastiques ou réalistes, qui coexistent sans s’écraser les uns les autres et qui donnent à cette veillée un cachet d’authenticité particulier. On se demande comment Faucher de Saint-Maurice réussit si bien à nous faire prendre le pouls d’une réunion entre amis, avec ses moments intenses et ses instants creux, avec ce mélange de communion et de concurrence des idées, des sujets et des opinions, avec la fausse pudeur de l’un que l’on force à chanter et les tentatives sans cesse avortées de l’autre qu’on empêche de parler de politique.

Une certaine gradation dans le fantastique peut expliquer peut-être cette justesse de ton. Ainsi, les premiers récits véritablement bizarres ne sont que des galéjades (ou plutôt de « terribles gasconnades », comme l’indique le narrateur), des histoires de chasse impossibles. Les rencontres du capitaine Létourneau avec Gamache, le Juif-Errant, la sirène et un noyé ne sont peut-être que des légendes mais « il n’y avait guère moyen de contredire le capitaine : c’était un rude matois, au poing velu et à l’écorce rude, qui ne souffrait pas l’interruption ». Puis, lorsque le petit Descoteaux avertit Jérôme Tanguay que les marionnettes sont sur le toit, on frise la terreur superstitieuse.

On assiste ainsi à un véritable défilé de personnages de légendes, parfois venues d’ailleurs, mais qui ont leur place chez nous : le Juif-Errant, le sorcier Gamache, le noyé, la sirène et, pour finir, les marionnettes. La présence de ces dernières sert de point d’orgue à cette « progression immobile » vers une certaine forme de magie. Mais la vraie magie réside sans doute dans ces chansons que vient interrompre la présence des marionnettes. Dans ces chansons et dans deux autres choses qui ne sont simples qu’en apparence : l’immensité de la mer qui, « toujours rajeunie », déferle « son éternel ressac » et le calme pur de la conscience qui fait que « joies, deuil et travail » se passent « simplement et uniment sous l’œil et en la sainte garde de Dieu ». [TV]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 68-69.