À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Paru dans
Abominable Homme des mots suivi de Le Témoin (L')
Pagination
5-97
Lieu
Montréal
Année de parution
1994
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un homme disparaît. Il s’agit de l’écrivain Walter Ergotte, dont le plus récent titre, Les Pelleteux de nuages, fait un tabac. En plus de se vendre à des centaines de milliers d’exemplaires quelques semaines seulement après son lancement, le best-seller remporte les prix qui comptent. Toute cette agitation n’a cependant rien d’inattendu : le livre succède en effet aux autres succès de l’auteur vendus à 50 millions d’exemplaires, traduits en 57 langues et lus dans 75 pays. Le si immensément, si monstrueusement populaire écrivain est disparu et personne ne sait ce qu’il en est advenu.

Quelques mois passent avant que la veuve potentielle, son épouse légitime Huguette Légère, patronne d’un chic bar de danseuses et du bordel attenant, charge le privé Samuel Tremblay d’aller au bout de la question et de découvrir si Walter est mort ou vif. Au premier terme de l’alternative, elle touchera un plantureux héritage même si elle a déserté le domicile conjugal depuis belle lurette. Le détective Tremblay mène donc son enquête en remontant le fil du temps jusque dans l’enfance de l’écrivain avant de nous le ramener aussi sec aux heures ayant précédé sa disparition.

Il nous fera enfin découvrir comment l’inquisition obstinée de l’auteur pour déchiffrer le sens des mots, de l’écriture et de la littérature l’aura conduit au cœur d’une forteresse de papier, à jamais prisonnier d’une cage de pages blanches.

Commentaires

Dans cette longue nouvelle, une novella à vrai dire, Laurier Côté oppose deux réalités. D’un côté, il met en scène un écrivain qui s’acharne à décoder les arcanes de la magie de l’écriture (p. 63) et découvrir comment elle peut rendre immortel. Concentré sur sa quête, Ergotte fantasme sur la forme des lettres plutôt que sur celles de sa légitime. Celle-ci, d’un autre côté, incarne la sensualité, la luxure et le plaisir triomphants dans toute leur splendeur. Après tout, même si la jouissance est fugace, elle compense par son intensité et par la possibilité quasi illimitée de reprise. D’autant que l’immortalité de l’écrivain n’aboutira jamais plus loin que les pages d’un livre, un cul-de-sac qu’on emprunte en tournant le dos à la vie qui bat et à ses jeux.

Côté situe ces deux points de vue antagonistes dans la perspective, avec les techniques et les méthodes d’une enquête policière, sans qu’on puisse pourtant parler de polar. En guise de mise au jeu, le détective adresse une lettre à l’éditeur du disparu et l’invite à prendre connaissance du document joint. Celui-ci, un rapport d’enquête intégral, comprend des articles de journaux, des témoignages, des entrevues avec des spécialistes, des extraits de journal personnel et autres.

Ces fragments rassemblés, en plus de composer une image beaucoup plus précise des personnages principaux, font défiler une brochette d’acteurs secondaires qui appartiennent au monde des médias, de la littérature et de l’université. Caricaturaux, style bédé, ils racontent, chacun à sa manière, chacun avec sa propre voix, une histoire peu banale et qui défie la raison. Pince-sans-rire, Laurier Côté distribue les noms cocasses et souvent révélateurs (l’écrivain Walter Ergotte, le prof Hermen Heutik, l’agent – littéraire – Glad, l’université Lavalleuse, etc.). Il profite de l’occasion pour adresser quelques piques à des institutions et à des personnages bien réels. Cependant, ces références trop bien ancrées dans leur époque perdent une grande part de leur impact quand on lit le texte vingt ans après sa publication. Il ne subsiste plus alors que le côté parfois loufoque du nom.

Pour le reste, il s’agit d’un texte écrit avec compétence, bien construit, qui se lit avec intérêt malgré les quelques longueurs qui n’en auraient pas été dans un roman. [RG]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 58-59.