À propos de cette édition

Éditeur
D'Acadie
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
130
Lieu
Moncton
Année de parution
1977

Résumé/Sommaire

 En 1987, le futur profite de nouveaux perfectionnements techniques : la quadri-télévision, le contrôle expérimental du climat, l’aération mécanique des villes par des poumons artificiels qui libèrent un mélange d’oxygène et de tranquillisants, le clonage, la création de chimères mi-humaines mi-animales… Sur le plan de la politique, une nouvelle guerre mondiale semble imminente, le Québec et l’Alberta ont acquis leur indépendance et le pape est d’origine sud-coréenne, mais la minorité acadienne des Maritimes ne maîtrise toujours pas son destin collectif.
Une société secrète, l’Ordre des Gnars, rassemble plusieurs générations d’Acadiens, jeunes et moins jeunes, qui rêvent d’un référendum dont l’enjeu serait la création d’une patrie acadienne. Guidés par un ordinateur à bandes perforées en liaison avec le club de Rome, les conspirateurs décident de profiter d’une visite papale au Canada pour enlever le pontife et lui demander d’appuyer la tenue d’un référendum tout en plaidant pour une meilleure entraide internationale.
Conquis par l’idéalisme et la bonhomie de ses ravisseurs acadiens, le pape se laisse convaincre de lancer un appel à la solidarité des Catholiques de toute la planète afin qu’ils partagent leurs biens avec les plus infortunés. Le Vatican donne l’exemple en cédant ses trésors à des pays pauvres, comme la Chine. Une époque nouvelle s’annonce, qui se confirmera pour les Acadiens avec le référendum du 15 août 1988, tenu dans la joie et la bonne humeur.

Commentaires

Presque partout sur la planète, l’actualité politique des années 60 et 70 était dominée par des luttes de libération nationales et des mouvements autonomistes. La décolonisation et le rejet de l’impérialisme inspirent de nombreux classiques de la science-fiction, dont La Vermine du lion (1967) de Francis Carsac, The Word for World is Forest (1972) d’Ursula K. Le Guin ou The Domains of Koryphon (1974) de Jack Vance.
Dans le contexte canadien, le thème est subordonné à la réalité des revendications des minorités francophones du pays, au Québec mais aussi en Acadie. Si l’indépendantisme québécois suscite l’écriture de plusieurs romans en anglais (souvent critiques), le sujet n’est tout au plus traité que de manière allégorique ou tangentielle dans les textes contemporains en français, peut-être parce que la souveraineté du Québec, dans le sillage de l’élection du Parti québécois en 1976, apparaissait à portée de main. En revanche, l’affirmation nationale acadienne était encore loin de prétendre à l’indépendance et Le Bouthillier n’hésite donc pas à faire de ce rêve encore audacieux le sujet d’un récit d’anticipation.
L’intrigue romanesque n’est guère qu’un prétexte qui permet à l’auteur d’esquisser un futur en rupture avec le présent. Les innovations techniques ou scientifiques n’affectent guère le reste de l’action puisque le roman insiste aussi sur le mode de vie traditionnel des Acadiens, ainsi que sur leurs valeurs de partage et de fraternité qui gagneront le pape à leur cause et à leur idée d’une redistribution mondiale de la richesse. Toutefois, la découverte en Acadie de reliques atlantes qui semblent faire du Christ un extraterrestre motive la visite du pape et contribue à l’ébranlement des convictions de celui-ci, au point où il penchera pour le projet de ses ravisseurs.
Le Bouthillier consacre ses meilleures pages à l’émancipation acadienne, signant une prose enfiévrée rehaussée d’extraits poétiques. Le choix de lier la libération à une amélioration du sort de tous les déshérités de la Terre fait de la générosité et de l’idéalisme des conspirateurs une justification de leur projet à la fois diégétique et extra-diégétique. L’auteur expose aussi ses plans pour un redécoupage des provinces maritimes afin de constituer un territoire acadien regroupant la plupart des francophones de la région.
Le sérieux de ce travail en fait moins une élucubration qu’une possibilité presque séduisante, si bien que le texte se lit presque aujourd’hui comme une uchronie qui laisse rêveur. En 1995, le dramaturge Laval Goupil a tiré de ce roman une adaptation théâtrale, Jour de grâce, signe de l’intérêt persistant de l’ouvrage qui aurait été un best-seller à sa sortie, à l’échelle de l’Acadie. En 2008, Germaine Comeau a incorporé un rêve acadien plus nettement uchronique dans Laville, mais l’histoire de la science-fiction acadienne reste à écrire. Le jour venu, ce roman en constituera sans doute la pierre angulaire. [JLT]

  • Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 284-285.