À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 122
Pagination
11-18
Lieu
Roberval
Année de parution
1997
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Meloo est une jeune zk’aalo, c’est-à-dire une chamane capable de contrôler l’esprit des z’aalii, des animaux primitifs que les humains utilisent pour leur protection. Depuis quelque temps, Meloo fait des cauchemars. Elle rêve que son z’aalii protecteur, Oom, la viole dans les hautes herbes de la savane. Est-ce son désir refoulé pour son protecteur ou pour le brave Mtaa amoureux d’elle qui s’exprime ainsi ou est-ce l’attirance sexuelle éprouvée par Oom qu’elle ressent intuitivement ? Gavée d’aalook dans ses cauchemars par Oom, Meloo dépérit et son corps est bientôt transporté vers les Dieux de la Montagne par son fidèle serviteur.

Commentaires

J’ai longtemps différé le moment de la lecture de ce texte parce qu’il me faisait peur. Harold Côté traîne une réputation d’auteur difficile dans le milieu de la SFQ. Ses textes sont touffus, denses, très exigeants pour le lecteur. « Akmee » est peut-être d’un abord plus facile, je ne saurais dire, mais je n’ai eu aucune difficulté à entrer dans cet univers.

La première scène est saisissante : Meloo est poursuivie par un z’aalii mais son talent de zk’aalo n’arrive pas à le détecter. Puis l’animal est sur elle et elle s’abandonne au désir de son corps ou de son assaillant. Cette relation particulière entre les humains et les animaux domestiques chargés de les protéger, ce paysage de savane et ce nomadisme des tribus m’a rappelé certaines des nouvelles rêches d’Élisabeth Vonarburg lues dans L’Œil de la nuit.

La nouvelle d’Harold Côté réussit à créer cet effet d’étrangeté, d’altérité qu’on recherche en science-fiction. L’utilisation dosée et intelligente de néologismes (akmee, z’aalii, km’tee, aalook, zk’aalo, panière) y est pour beaucoup, de même que l’exposition sommaire de la mythologie qui régit cet ensemble de tribus nomades qui fraternisent périodiquement lors de la Grande Réunion.

Mais c’est l’analyse des rapports de force qui relient les humains aux z’aalii qui constitue véritablement le moteur de la nouvelle. Au fil du récit, on voit ce rapport évoluer subtilement à tel point qu’à la fin, la perspective est complètement changée. Jusque-là, on croyait que les humains, par l’entremise des zk’aalo, contrôlaient totalement la volonté des z’aalii. Or, ce sont plutôt ceux-ci qui se servent des humains pour assurer leur survie. Ce renversement est très bien amené et conclut de façon percutante une nouvelle davantage axée sur l’étude des comportements que sur l’action proprement dite.

L’écriture est puissante, ample, chargée de mystère. On peut lui reprocher d’ailleurs une tendance à se complaire parfois dans l’hermétisme de certaines images comme celle-ci : « […] une masse cuirassée où les lanières de lourds fardeaux patinent le miroir du destin. »

« Akmee » est donc une nouvelle sur les relations de domination qui lient l’oppresseur à la victime. C’est aussi une nouvelle sur le désir sexuel, sur la relation amoureuse entre deux êtres, entre le maître et l’esclave, entre Meloo et Oom. Comme dans toute relation amoureuse, les rôles changent au gré des circonstances comme l’illustrent de façon audacieuse les scènes de cauchemar de Meloo – parce qu’elles pourraient être lues comme des incitations au viol ou comme un renforcement de l’idée voulant que la victime prenne plaisir à être violentée.

Le dénouement de la nouvelle aurait pu être cynique, il est tout bonnement dans l’ordre naturel des choses. La vie est ainsi, elle n’a que faire de la morale humaine. Harold Côté l’a bien compris. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 70-71.