À propos de cette édition

Éditeur
Orphée
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Anges dans la ville
Pagination
127-151
Lieu
Montréal
Année de parution
1959

Résumé/Sommaire

Un homme est seul sur un bateau, au milieu de l’océan, sans qu’il sache sa destination ni même si le navire avance. Un jour, il croit apercevoir une ombre à l’heure du crépuscule. L’ombre se matérialise en femme et il échange des propos avec elle tout en espérant se l’attacher pour mener une vie de couple. La femme l’abandonne à sa solitude après quelque temps.

Commentaires

La nouvelle de Wilfrid Lemoine se présente comme une illustration de la destinée humaine, le bateau auquel est confiné le narrateur étant une métaphore de l’existence. Et l’homme est irrémédiablement seul.

Bercé par la mélancolie, le récit écrit sous forme de journal dans lequel le narrateur se livre à une introspection rappelle le théâtre de l’absurde de Samuel Beckett et l’existentialisme de Camus. En ce sens, le protagoniste rappelle celui de L’Étranger. Quand apparaît la jeune femme, sa vie s’illumine quelque peu, l’espoir pointe mais cette embellie sera de courte durée. Le désir de possession exclusive, la jalousie constituent des pièges pour l’homme et provoquent la fin de cette relation naissante : « Un jour, si tu continues, ton trop grand désir de possession, ta quête de savoir et de posséder te casseront en miettes. » Cette vérité vaut, semble-t-il, autant pour les relations amoureuses que pour le rapport au monde qu’entretient l’homme.

Le mal-être s’exprime dans des réflexions modelées par une prose poétique volontairement opaque. Le côté irréel ou fantastique du texte est en outre maximisé par la représentation du temps. Les quatre premières entrées du journal (2 au 5 mai) sont écrites au temps présent, de même que les dernières (20 juin au 18 juillet). Mais dans l’intervalle (la majeure partie du texte), le temps est comme aboli et les événements sont racontés au passé (l’imparfait, le passé simple). Cela correspond à la présence de la femme sur le navire et confère à la rencontre entre elle et l’homme une dimension universelle et archétypale qui dépasse la simple aventure sentimentale individuelle.

L’ange de la solitude, c’est la femme découverte sur le bateau, désirée mais libre comme le vent, dont le souvenir ravive la solitude de l’homme. Au point où la fin peut laisser croire au suicide éventuel par noyade du narrateur : « Avec moi couleront et se liquéfieront les chiffres du temps. De mon temps. »

Le texte de Lemoine, en phase avec la littérature française de l’époque, préfigure le vent de modernité qui va secouer les lettres québécoises après la Grande Noirceur sous Duplessis. [CJ]