À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Alire
Titre et numéro de la série
Les Cités intérieures - 1
Titre et numéro de la collection
Romans - 33
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
306
Lieu
Beauport
Année de parution
2000
ISBN
9782922145328
Support
Papier+
Illustration

Résumé/Sommaire

Depuis sa rencontre avec l’Ange écarlate, « dominatrice » de renom dans le milieu sadomasochiste, le peintre Jimmy Novak ne se reconnaît plus. Il ne ressent plus le besoin de manger ni de dormir, et s’abreuve de son propre sang pour apaiser la Violence noire qui, en lui, l’incite à tuer. Jimmy se sent « appelé » par le sang de l’Ange, par le corps de l’Ange. Le destin de Jimmy sera donc lié à celui de cette femme, de même qu’à celui de David Fox, un Anglais du XVIIe siècle ayant reçu comme mission de protéger la ville de Kaguesna en échange de l’immortalité. Mais comment protéger une ville qui n’existe que dans sa tête ? David « voit » bien que la ville a été envahie depuis peu. Que faire ? Comment accéder à cet univers intérieur ? Or, Jimmy Novak connaît Kaguesna. Les images d’une Cité décimée par la peste peuplent ses rêves depuis sa rencontre avec l’Ange. Et le nom de Kaguesna a surgi de lui-même. David croit que Jimmy détient la clé de la Cité intérieure, qu’il pourra l’aider à accomplir sa mission. De son côté, Jimmy découvre qu’il a une sœur jumelle. Étrangement, la Violence noire s’éveille à son approche. Mais Tamara meurt de mystérieuse façon, avant que son frère n’ait assouvi son instinct meurtrier. Elle connaissait le chemin de Kaguesna, un secret qu’elle a emporté avec elle.

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Commentaires

L’Ange écarlate amorce une trilogie consacrée aux « Cités intérieures », sans doute issues d’univers explorés par l’auteure dans quelques nouvelles parues dans feue imagine… (« La Cité de Niba » en 1991, « La Cité de Penlocke » en 1995, « La Cité sans nom » en 1997). Il est toutefois trop tôt pour comprendre la nature véritable du lien entre ces cités imaginaires et la trilogie – si lien véritable il y a – puisque le mystère concernant Kaguesna reste à peu près entier. Nous savons que la Cité intérieure date du XVIIe siècle, qu’elle est ravagée par la maladie et la mort (voir « La Cité sans nom »), et que Tamara et son père constituent des personnages clés de cet univers. Mais ce père énigmatique, Jack Tee, un Chinois, n’apparaît jamais dans ce premier tome. Suspense oblige. De même, la raison pour laquelle Jimmy est hanté par les images de Kaguesna reste obscure. Et puis, qui a confié à David le soin de veiller sur cette ville intérieure ? Quel drame s’y déroule ?

Natasha Beaulieu campe, dans ce premier volume, ses principaux personnages. Elle dispose ses pions sur l’échiquier, tend les fils de l’intrigue jusqu’à leur extrême limite avant d’en arriver à un dénouement temporaire : les retrouvailles entre Jimmy (alias Béluterre) et l’Ange (alias Tura). Car il s’agit bien d’un simple répit : un personnage tiers annonce, à la toute fin, son désir de poursuivre l’aventure afin de percer le mystère Béluterre.

L’Ange écarlate est le premier roman de Natasha Beaulieu, un roman noir dans lequel les violences s’exercent tant envers soi qu’envers autrui. L’auteure met en scène des êtres de pulsion, tantôt mus par l’instinct de vie, tantôt par l’instinct de mort. Ils voyagent dans l’univers du sadomasochisme : la douleur appelle le plaisir et l’attrait se mêle constamment à la répulsion. L’Ange écarlate est une œuvre de déchirement. Prenons Jimmy Novak. Personnage en rupture, il se voit partagé entre deux identités, deux époques, deux mondes. Il sent émerger en lui un étranger assoiffé de sang ; il sent monter en lui un désir excessif de domination. Prisonnier de cet autre lui-même et de ses fantasmes, Novak crie sa douleur et son impuissance sur ses toiles. Il se mutile (scarifications), prend goût à son propre sang, mêle la violence à la jouissance jusqu’à sombrer dans la déchéance. Seul l’Ange réussit à apaiser cet homme, à lui donner l’illusion de la liberté, ou du moins l’illusion de coïncider avec lui-même. C’est comme si Novak ne devenait entier qu’en communion avec l’Ange, et vice versa. Le lien biologique ou biochimique entre ces deux êtres reste d’ailleurs inexpliqué…

Natasha Beaulieu opte pour une structure qui fait écho à cette dualité intrinsèque. Les récits correspondant aux identités du peintre alternent sans cesse : le premier présente le Jimmy Novak en cours de métamorphose, alors qu’il se vampirise ; le second s’accroche aux pas de l’homme ayant assumé sa métamorphose (Ian Béluterre) et cherchant à retracer l’Ange perdu. Cette alternance dans le temps dérange, crée une certaine confusion. Mais elle ajoute au sentiment de rupture.

Ainsi, Novak est double. Et doublement double si l’on tient compte de sa jumelle Tamara qui le pourchasse comme une ombre. Même David Fox et Boris Wagner semblent issus d’un même moule. Contrairement à Novak, ces hommes restent détachés de leurs émotions (sont-ils humains ?). Ils font contrepoids à la souffrance. Ils accompagnent Novak et Tura dans leur parcours chaotique, réconfortent, guérissent, orientent. Manifestement, ils détiennent de l’information mais ne la livrent pas. Pas encore. Plusieurs autres personnages gravitent autour de Jimmy Novak. On se demande toutefois ce qu’apportent les crises d’hystérie de Chantal et les fantasmes de William Glenncross. Pur voyeurisme ?

Que dire de plus sinon que L’Ange écarlate contient l’énergie du survivant en même temps que la détresse du naufragé. Que l’écriture est vive, crue, sanglante. Que les mots frappent et lacèrent. Nul doute qu’il s’agit là d’une voix singulière dans la littérature fantastique québécoise, une voix qu’il importera de suivre. [RP]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 12-13.

Références

  • Bérard, Sylvie, Lettres québécoises 104, p. 38.
  • Lafrance, Pierre-Luc, Ailleurs 1, p. 80-82.
  • Sarfati, Sonia, La Presse, 20-08-2000, p. B2.
  • Vonarburg, Élisabeth, Solaris 134, p. 111-113.