À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la série
Argus
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 63
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
146
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Devenu pilote pour le service Neutralisations de l’Organisation Argus, le jeune Marc Alix effectue quelques missions délicates visant à réduire les risques de conflits nucléaires. Ainsi, il participe à la destruction du satellite états-unien Fluolux immédiatement après sa mise en orbite dans le cadre de l’Initiative de Défense Stratégique. Son pendant soviétique, le satellite Solnitsiévitch, sera détruit de même par Marc et ses compagnons.

De retour à la base lunaire de l’organisation, Marc apprend de son vieux complice Carl Andersen qu’Argus vient de recruter une nouvelle agente : Cynthia MacKinnon, la secrétaire d’Yves Sonier. Député fédéral d’Outre­mont, Sonier sera bientôt nommé Ministre des Affaires extérieures. Cette nomination n’ira vraisemblablement pas sans créer des remous, puisque Sonier s’est souvent prononcé déjà en faveur de la création d’un État pales­tinien, s’attirant ainsi la méfiance des communautés juives. Au Moyen-Orient, la situation des territoires occupés va en s’aggravant, au point que la répression israélienne fait chaque jour les manchettes.

Un commando d’obédience « néo-sioniste », appartenant au groupe terroriste Menahem, complote d’ailleurs en vue de l’assassinat d’Yves Sonier. Ce que devine en partie l’Organisation Argus par le biais de la « métapse » Sofia Link. Celle-ci prévoit en outre que le ministre est destiné à jouer dans le futur un important rôle d’ambassadeur de la paix… à condition de rester en vie ! Dès lors, Argus décide d’intervenir pour contrer le commando néo-sioniste. Comme son efficacité dépend du secret dont elle s’entoure, l’organisation éryméenne se doit encore une fois d’agir avec la plus totale discrétion.

Marc Alix est donc dépêché à Outremont avec plusieurs de ses camarades. Leur mission, la millième effectuée par Argus, consiste à empêcher la mort d’Yves Sonier et à favoriser l’arrestation du commando, sans que cette intervention cruciale ne soit connue des Terriens. Lorsque l’attentat a lieu, une fantastique opération de sauvetage puis de maquillage des faits se met en branle. Sans le savoir, des garçons gravitant autour du groupe musical montréalais Amduscias aideront Argus à confondre le ré­seau terroriste. Enfin, Sonier sera guéri grâce aux techniques médicales très avancées des Éryméens.

Commentaires

Après une éclipse de trois ans, Daniel Sernine publie donc un dixième roman pour les jeunes, son septième aux éditions Paulines. Argus : Mission Mille constitue aussi le troisième épisode d’une série de SF axée sur cette organisation éryméenne dont « le rôle principal [est] d’éviter le déclenchement d’une guerre nucléaire » (p. 11).

Si l’organisation imaginée par Sernine a de quoi me faire dresser les cheveux sur la tête (philosophie élitiste et messianique, mode de fonction­nement occulte, désinvolture face à la désinformation qu’elle produit), il n’empêche que ce troisième roman de la série est d’excellente facture.

Rares sont les défauts à signaler. L’intrigue principale démarre un peu tard (vers la page 45), et l’auteur a créé trop de personnages quasiment inutiles (les membres du groupe musical Amduscias, entre autres). Comme d’habitude dans les romans de Sernine destinés aux jeunes, le rythme de l’histoire est très lent. Ici, les surprises et les coups d’éclat sont à toutes fins pratiques inexistants. Tout fonctionne comme le lecteur l’avait prévu, à la manière d’une mécanique bien construite et bien huilée. L’écriture est sage, très compétente, mais sans surprise elle non plus. Les mots sont d’une précision presque pédagogique.

Dans ce roman, Sernine ne fait pas toujours preuve de la plus grande originalité ou il assume peut-être tout simplement ses influences. Par sa philosophie et les moyens dont elle dispose, Argus ressemble à une autre organisation (Unipax) imaginée il y a vingt-cinq ans par le Québécois Maurice Gagnon et mise en scène dans quelques romans-jeunesse aujourd’hui oubliés. Certaines interventions de Marc Alix et de ses camarades font penser aussi à celles de la Patrouille du Temps (imaginée par Poul Anderson) telle que revue et corrigée par Henri Vernes dans sa série Le Cycle du Temps. En cours de mission, les gadgets utilisés par les Éryméens rappellent l’équipement que traînaient avec eux Doc Savage et ses compagnons.

L’aspect hautement informatif du roman, une nouveauté chez Sernine il me semble, m’étonne un peu. Le livre est truffé de 29 notes en bas de pages. Cinq sont des renvois à d’autres romans de la série, forme d’auto-promotion un tantinet agaçante. La plupart toutefois donnent la définition d’un terme technique ou encore d’un néologisme créé par l’auteur pour illustrer son univers science-fictionnesque.

Daniel Sernine fait preuve d’une admirable précision chaque fois qu’il a à décrire une opération ou à définir un mot. Ces détails parfois fastidieux ont aussi pour effet de renforcer le caractère plausible des missions effectuées par Argus. On sent d’ailleurs que l’auteur est fasciné par la technique, au point que son roman de SF pourrait porter l’étiquette de “technologie-fiction”. Dans un cas, en l’occurrence la situation sociale et politique au Moyen-Orient, le choix du sujet est aussi pertinent qu’auda­cieux. En outre, Sernine montre bien que le Canada, si ce pays le voulait, pourrait jouer un rôle majeur en tant qu’arbitre de certains conflits internationaux.

Notes en bas de pages, profusion de termes techniques, multiples informations intégrées au texte, tout cela fait parfois ressembler le roman de Sernine à un cours multidisciplinaire. Qu’un auteur pour jeunes ait l’intention de renseigner ses lecteurs sur les sujets qu’il aborde, rien à redire. Mais si cet aspect pourtant optionnel des œuvres pour la jeunesse prend trop d’importance, les lecteurs risquent de ne pas trouver ce qu’ils y cherchent de prime abord : gratuité, évasion, plaisir pur. Bref, l’aspect ludique s’en trouve négligé.

On dirait donc que Daniel Sernine a davantage puisé dans ses connaissances que dans son imagination, qu’il a boudé l’imaginaire au profit de l’information. Il en résulte une œuvre extrêmement bien faite qui montre parfois l’ouverture d’esprit sinon l’audace de son auteur (choix du conflit israélo-palestinien comme toile de fond, références implicites à l’homosexualité…). Par contre, un roman pour jeunes n’est-il seulement qu’une performance sans bavure ?

Qu’on me pardonne ma candeur ou mon cynisme, au choix, mais ce roman (parmi d’autres de divers auteurs) pose une question pertinente à ceux qui s’intéressent à la littérature pour jeunes : où donc intervient l’âme du créateur dans ce type d’entreprise ? [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 150-152.

Références

  • Bernier, Luc, Solaris 79, p. 22.
  • Desjardins, Denis, Nos livres, novembre 1988, p. 26.
  • Fortin, Denise, Lurelu, vol. 12, n˚1, p. 9.
  • Gauthier, Christiane, Des livres et des jeunes 32, p. 39.
  • Gauthier, Philippe, Samizdat 16, p. 47.
  • Le Brun, Claire, imagine… 45, p. 89-90.
  • Pelletier, Claude J., Samizdat 16, p. 51.
  • Provost, Michelle, Vie pédagogique 62, p. 32.