À propos de cette édition

Éditeur
La courte échelle
Titre et numéro de la collection
Roman + - 34
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
153
Lieu
Montréal
Année de parution
1994
ISBN
9782890212282
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Vincent, un adolescent réservé pour ne pas dire effacé, se réveille un matin totalement transformé. Il a du mal à respirer, son corps est lourd comme du marbre, le monde matériel qui l’entoure est d’une texture menaçante. En plus, il se sent coupable d’une discussion orageuse qu’il a eue avec sa mère la veille. À mesure qu’il tente d’entreprendre sa journée, il découvre que ces changements qui affligent son corps sont une source de douleur insoutenable. C’est en tentant de communiquer avec sa mère pour lui expliquer ce qui ne va pas qu’il prend vraiment conscience de la situation : il n’est pas là. Personne ne l’entend ni ne le voit. Les objets qui l’entourent sont trop lourds pour qu’il puisse les déplacer et tout contact physique avec un corps étranger est source de douleurs et de blessures. L’eau est solide et la pluie lui brûle la peau ; le vent le ballotte comme une feuille morte.

Une succession d’événements mettent Vincent à rude épreuve : Comment se déplacer ? Comment étancher sa soif ? Comment obtenir de l’aide ? Et chaque épisode est une occasion supplémentaire de démontrer l’horreur de sa condition de créature « hors du réel » et pourtant victime des assauts des éléments les plus inoffensifs de la vie normale. En deux jours de cette existence désespérante de solitude et atrocement douloureuse (il perd trois doigts dans l’aventure), Vincent se retrouve aux portes de la mort. Au moment où, dans son délire, il croit qu’il va enfin échapper à cette vie de souffrance, un homme intervient et le touche au front sans que la pesanteur de la main ne le blesse. Cet homme a ses traits mais est plus âgé que lui. Il le rassure et le libère de sa condition monstrueuse. Vincent revient à son état normal, retrouve sa famille, mais n’a pas de réponse sur la cause de cette métamorphose, mis à part son « effacement » que la vie lui aurait fait vivre de façon cruelle. Mais il sait maintenant que quelque chose de grandiose s’est produit : la vie l’aime.

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Commentaires

Ce n’est pas aux portes de l’horreur que nous conduit Denis Côté dans ce court roman jeunesse, mais en plein cœur. À partir du moment où le personnage de Vincent prend conscience de son état épouvantable et de son isolement total, on sent que l’auteur s’est amusé à explorer toutes les possibilités offertes par la condition du personnage. Ce plaisir est perceptible dans l’écriture à la fois fluide et efficace. Cette efficacité vient du fait que le procédé est très visuel : Côté excelle dans la manière de planter un décor avec un minimum de mots, offrant au lecteur la liberté de compléter le paysage à sa guise. Autre force de Côté : la consistance des personnages et le réalisme des dialogues. Nous ne sommes pas là devant un roman où les personnages sont très développés sur le plan psychologique, et pourtant le jeune lectorat n’aura aucun mal à cerner les enjeux que vivent Vincent, sa mère et ses sœurs. Ces qualités confèrent au roman un dynamisme qui rend la lecture agréable et pousse le lecteur à filer en toute hâte vers la fin pour comprendre ce qui arrive et connaître le dénouement.

C’est peut-être là que certains lecteurs, croyant avoir entre les mains un roman de leur genre préféré (science-fiction ou fantastique), pourraient être déçus. Tout à la description de l’expérience vécue par son personnage, Côté ne donne aucune explication sur la cause de cette métamorphose. C’est à peine s’il effleure la possibilité du voyage dans le temps, Vincent adulte revenant dans le passé pour se libérer de sa condition. Pourtant, cet adulte sait ce qui va lui arriver et c’est la révélation de ces événements futurs qui contribuent en partie à le libérer. Mais ce Vincent adulte n’a, lui non plus, aucune explication à fournir. Il laisse simplement entrevoir que la vie, peut-être, a voulu lui faire prendre conscience qu’il était trop effacé, trop absent de sa propre existence et qu’il valait mieux, au contraire, s’ouvrir à la vie.

Il est clair que, pour Côté, la dimension rationnelle du récit passe ici au second plan. Et, somme toute, le résultat est tout à fait à la hauteur. Parce que l’auteur réussit à faire oublier la nécessité d’une explication pour amener le lecteur sur son propre terrain : la leçon à tirer de cette expérience. Aux portes de l’horreur est donc davantage une sorte de prétexte – la citation de La Métamorphose de Kafka au début du roman annonce déjà la couleur – qui apporte au jeune lecteur qui vivrait le malaise de Vincent face à son existence un message positif qui n’est cependant ni moralisateur, ni paternaliste. Cessez de vous morfondre et de vous apitoyer sur vous-mêmes et regardez un peu ce qui se passe autour de vous : la vie vous aime, aimez-la aussi ! Cela peut paraître simpliste et naïf, mais le roman de Côté est assez solide pour être pris au sérieux sur ce point. [JD]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 53-54.

Références

  • Dupuis, Simon, Solaris 116, p. 40-41.
  • Meynard, Yves, Lurelu, vol. 17, n˚ 3, p. 13.