À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Georges, la quarantaine célibataire, supporte mal de cohabiter avec sa mère, à cause de qui il a bien peu d’espoir de fréquenter normalement des femmes, ou du moins de les recevoir à l’appartement. Pas question qu’elle aille vivre ailleurs : Georges est le « bâton de vieillesse » de sa mère contrôlante. Un soir qu’il revient ivre, à peu près résolu à supprimer le problème (l’assassiner, plus précisément), il se trompe de porte et entre dans l’appartement – déverrouillé et obscur – du professeur voisin. Toujours dans le noir, il se rend à la salle de bain pour boire un verre d’eau froide. Assis sur le bord de la baignoire, il entend un clapotis et sent une main lui toucher le dos.
Ellipse. Georges a l’âge mental d’un bébé et sa mère le nourrit à la cuillère. Le voisin leur rend visite, désolé que sa « créature » (et surtout le choc qu’elle a causé à Georges) soit à l’origine de sa régression mentale.
Commentaires
Réalisme magique, est-on tenté de diagnostiquer puisque la dame âgée semble accepter comme allant de soi que le voisin, un vieux « professeur » à vocation indéterminée, élève une « créature » dans sa salle de bain.
L’auteur mène adroitement sa barque, pour le bref parcours qui lui est dévolu. Une piste sombre nous est d’abord proposée, celle de l’humour noir et de l’intention criminelle. L’astuce de l’erreur sur la porte se devine vite, appuyée par le soin qu’on met à ne pas allumer les lumières de l’appartement. Fausse piste subtilement suggérée : se peut-il que la vieille indésirable se soit obligeamment suicidée (flacons de médicaments sur le lavabo, gouttes qui tombent une à une dans la baignoire) ? Mais en somme, non, Georges s’est effectivement trompé de logement, et une « odeur bizarre » règne dans la salle de bain étrangère.
Au bout de ces deux courtes pages, habilement conclues, le lecteur est libre d’imaginer à quoi ressemblait la « drôle de créature » qui a causé un tel choc à un homme adulte.
Ce lecteur-ci évoque l’image de la Créature du Lagon Noir, à l’échelle 1 : 2 et dégriffée, puis il imagine Georges se précipitant vers l’interrupteur pour éclairer la salle de bain… [DS]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 204.