À propos de cette édition

Éditeur
CSF
Genre
Science-fiction
Longueur
Courte nouvelle
Paru dans
CSF 1
Pagination
4-6
Lieu
Brigham
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un sculpteur de l’Antiquité au corps ravagé par la maladie donne forme et peut-être vie à la matière elle-même, créant des statues d’une beauté sublime dont la vue provoque la jalousie des Dieux qui le rendent aveugle. Il sera sauvé et guéri par la matière minérale qui, amoureuse de celui qui l’a façonnée, se révoltera contre ceux qui l’ont créée, détournant leur colère mais encourant ainsi leur vengeance terrible.

Commentaires

Voilà encore un texte de Michel Lamontagne qui, s’il ne me semble pas pleinement satisfaisant, a le mérite déjà considérable de favoriser chez le lecteur la réflexion et la formulation de quelques hypothèses. Je m’atten­dais, avec un tel sujet et un tel titre, à une nouvelle d’atmosphère, à un certain éloge de la beauté “classique” ou encore à une remise en question de ce concept pouvant aller jusqu’à une relativisation de l’idée même de la Beauté (« La Beauté est dans l’œil, le cœur et l’esprit de celui qui la découvre. Celle de l’un n’est pas celle de l’autre. »).

On y découvre plutôt une sorte de récit classique rajeuni qui effleure successivement les mythes de Prométhée et Pygmalion, l’ombre du barde Homère, et qui va enfin se transformer en une identification entre le sculpteur et l’écrivain, amorçant une réflexion sur leur art respectif, sur la création artistique et ses conséquences, ses interactions avec l’objet créé, toutes choses prenant une forme et un caractère presque organiques et une résonance écologique, se terminant en « un conte amoureux qui n’en finit plus de rêver sa conclusion ».

Voilà beaucoup d’ambitions pour l’auteur (ou beaucoup trop de pensées spéculatives de ma part !) pour une nouvelle d’une telle longueur. Mais il en résulte, comme dans d’autres textes de l’auteur, un survol plus qu’un approfondissement réel du sujet et des thèmes qui ne me satisfait pas vraiment.

Ces ambitions, on les retrouve dans l’écriture de la nouvelle, pas tant au plan stylistique où tout demeure simple et efficace, en fait presque sans faiblesse mais sans splendeur aussi, malgré la présence d’une poussière de poésie et d’un léger souffle de philosophie, ou encore au plan de la struc­ture de l’ensemble, mais bien dans les premiers et derniers paragraphes, écrits différemment.

L’auteur prend alors directement la parole et s’efforce de communiquer avec le lecteur sans les artifices de la fiction, d’amener ainsi une première identification auteur/lecteur, puis une autre, auteur/personnage, et aussi une sorte de méfiance face à la fiction, presque un refus de son caractère et de son utilisation, une sorte de crainte qu’elle ne dise pas ce que l’on veut lui faire dire. L’auteur nous rappelle que nous lisons une histoire et que ce n’est que cela, une histoire, une sorte de contrat tacite entre lui et nous.

Le critique est en droit de se demander ce qui motive un écrivain à vouloir aborder un sujet aussi considérable mais très difficile à maîtriser, plus d’un grand auteur s’y étant essayé et bien peu ayant réussi. Cela peut dénoter un manque de confiance en sa fiction, ce qui amènera l’auteur à proposer une sorte de mélange étrange de théorisation littéraire, de con­ceptions critiques et de fiction, parfois difficile à supporter bien longtemps.

Michel Lamontagne n’en est pas encore là avec « Beauté » et cela est heureux, il me semble. Cette nouvelle mérite considération mais on peut entretenir quelques craintes pour plus tard. [RB]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 88-89.