À propos de cette édition

Éditeur
La courte échelle
Titre et numéro de la collection
Roman jeunesse - 89
Genre
Fantastique
Longueur
Novelette
Format
Livre
Pagination
95
Lieu
Montréal
Année de parution
2000
ISBN
9782890214033
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Pierre Jalbert, douze ans, travaille d’arrache-pied comme valet de ferme sur la terre des Rougemont en Bretagne en 1535. Il a été recueilli par le vieux Youénn Le Gallouédec six ans plus tôt lorsque l’épidémie de peste a emporté toute sa famille. Guillaume Rougemont, le fils du maître de ferme, ne cesse de le harceler et de lui faire endosser la responsabilité de ses mauvais coups. Un jour que Pierre prend fait et cause pour Youénn malade, il se fait pourchasser par Guillaume et, au cours de la bataille, le feu est mis à la grange. Présumé coupable de l’incendie, Pierre doit se sauver chez Maël, le frère de Youénn qui habite Saint-Malo et qui doit s’embarquer sur un des vaisseaux de Jacques Cartier. Maël l’inscrit comme mousse et tous deux montent à bord de la Grande Hermine pour la traversée jusqu’en Amérique. L’adolescent fait preuve de courage en sauvant Maël lors d’une tempête. De plus, Jacques Cartier remarque qu’il apprend la langue amérindienne en s’entretenant avec Domagaya et Taignoagny, les fils du grand chef Donnacona qui reviennent dans leur patrie.

Pendant ce temps, dans le village iroquoien d’Achelacy, la famine sévit. Le chaman Oraquan, un être cruel, cherche à trouver la cause du courroux de l’esprit de la falaise. Il s’en prend à Ahonque, la fille adoptive du chef Sondaqua, parce que le chaman préconise la torture et le meurtre des ennemis, même enfants, plutôt que leur adoption lors des prises d’otage. Lorsque Sondaqua menace de manger le chien d’Ahonque, celle-ci gravit la falaise pour rencontrer l’esprit. Elle trouve un cerf blessé qui lui offre ses vieux bois magiques et lui révèle la formule pour guérir les enfants malades qui rajeuniront aussi d’un an. En contrepartie, elle s’engage à nourrir la bête jusqu’à sa guérison. Ahonque guérit ainsi son jeune frère qui se mourait d’inanition. Le chaman en prend ombrage et la désigne comme responsable de la famine. Le lendemain, le cerf blessé lui indique l’arrivée d’un troupeau de cerfs et toute la tribu peut manger à sa faim. Ahonque découvre peu après qu’Oraquan a volé ses bois magiques. Avec la fonte des glaces, l’opulence revient au village, mais le chaman ne cesse de brutaliser Ahonque afin qu’elle lui révèle l’incantation pour faire agir les bois sacrés desquels il ne peut rien tirer.

La Grande Hermine, ainsi que la Petite Hermine et l’Émérillon s’engagent dans le Saint-Laurent. La réputation des explorateurs les précède et ils sont accueillis par des rassemblements le long du fleuve. Pierre remarque Ahonque parmi la foule. Sondaqua échange des peaux et des miroirs avec Cartier, mais la conversation est difficile sans interprète. Sondaqua lui offre aussi sa fille adoptive pour l’accompagner dans son expédition. Ahonque n’a pas le choix de suivre Cartier et se sent très triste. Pierre s’occupe d’elle et ils deviennent amis. Elle lui rapporte le vol de ses bois magiques et le jeune mousse lui promet d’aller les récupérer, mais il est occupé tout l’été à l’érection du fort. Aux premières neiges, les Français sont surpris par l’intensité du froid auquel ils n’étaient pas préparés.

Ahonque se laisse dépérir et Pierre, pour la sortir de sa prostration, part avec elle quérir ses bois magiques. La route est longue et ils souffrent tous deux d’épuisement lorsque le cerf survient et leur propose de les amener sur son dos. Grâce à ses bonds prodigieux, ils arrivent au village à l’aube. Malgré ses tâtonnements, l’adolescente ne trouve pas les bois sous la couchette du chaman qui est absent. Pierre et elle partent donc vers la falaise où ils trouvent les bois sans se rendre compte de la présence du chaman en méditation. Pierre, les bois serrés contre lui, s’accroche les pieds dans une racine et déboule l’escarpement sans trop de dommage. Lorsqu’il constate qu’Ahonque ne descend pas le rejoindre, il remonte et trouve des traces de lutte. Effectivement, Oraquan a attaqué Ahonque et l’a traînée jusqu’au village pour la torturer et tout lui faire avouer, mais son père la défend.

Pierre est retourné seul au navire où le scorbut fait des ravages quelque temps après. Ahonque, affaiblie, rejoint Pierre qui lui remet les bois, ce qui leur permet de se guérir mutuellement. Ils soignent de cette façon tous les enfants d’Achelacy et de Stadaconé. Au village, le chaman et son père adoptif n’ont pu résister à la maladie. Ahonque cherche un remède et repense au cerf qui lui a dit : « Souviens-toi, tu m’as sauvé la vie en m’apportant du cèdre. » Elle en prépare donc une décoction qui guérit autant les Amérindiens que les matelots. Au printemps, Ahonque et plusieurs Iroquoiens, dont Donnacona et ses deux fils que Cartier a pris en otage, s’embarquent pour la France.

Commentaires

Si le rappel des conditions de vie et des événements historiques du début de la colonie se trouve ici bien décrit, il n’en reste pas moins que la violence des personnages dépasse largement la dose prescrite pour la clientèle jeunesse. La grosseur des caractères laisse croire à un public de lecteurs de 7 à 10 ans environ. Pour ma part, j’hésiterais à faire lire à ma fille de 7 ans des passages comme le suivant qui n’est pas unique, loin de là. « La dernière fois que les guerriers du village étaient revenus d’une bataille, avec des prisonniers jeunes, vieux, il [le chaman] avait lui-même percé les poignets d’une petite fille. Elle n’avait ni crié ni pleuré.

Pendant la nuit, Ahonque, la fille du chef d’Achelacy, avait desserré ses liens et l’avait encouragée à fuir. Mais le chaman ne dormait pas. Il avait poussé de hauts cris en voyant la petite prisonnière quitter le village. Il l’avait de nouveau attachée. Puis il avait lentement brûlé son corps avec des braises. Elle était morte au bout d’une journée de supplices. »

Le sadisme du chaman et de Guillaume Rougemont est rendu par des exemples « frappants » et sanglants. Je me demande bien quel est le but de l’auteur vis-à-vis son jeune public en décrivant de tels actes de barbarie et d’injustice. Veut-il désacraliser l’épopée fondatrice du pays ? Veut-il transmettre les images des terribles sauvages tortionnaires d’une éducation judéo-chrétienne périmée ? Veut-il rassurer les jeunes en leur montrant qu’ils ne sont pas nés dans une époque si épouvantable, après tout ? Veut-il les impressionner au point de leur donner des cauchemars ? Ou bien a-t-il tout simplement perdu de vue l’âge de son lectorat ? Mort, maladie, rapt, torture, vol, coups, famine sont des événements qui jalonnent tout le roman et dont le contexte n’est pas exhaustivement expliqué, faute d’espace.

L’arrière-goût amer que laisse la lecture de ce roman n’est pas atténué par la présence fantastique d’un animal légendaire bénéfique qui intervient pour aider les deux personnages principaux, particulièrement la jeune fille. Si la légende amérindienne des bois magiques est belle, elle oppose une « croyance » bénéfique à une réalité cauchemardesque. Le jeune lecteur va-t-il vraiment se laisser prendre au jeu de la possible résurrection des agonisants ? D’ailleurs, l’effet de cet objet ne s’applique qu’aux enfants et les fait rajeunir encore plus, comme quoi la naïveté enfantine est absolument nécessaire et accentuée. Le monde violent des adultes s’en prend aux plus petits. Ceux-ci doivent leur survie à la fuite, à la protection plus ou moins efficace d’un adulte moins imbu de pouvoir et parfois lui-même victime ou à la magie… Les illustrations de Francis Back montrent aussi cette violence et la détresse des opprimés.

Il s’agit donc d’un livre jeunesse pour plus grands qui ont la couenne dure ou pour les enfants dont les parents veulent les « driller » à une vie chargée d’embûches. [AL]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 122-125.

Références

  • Anonyme, Le Libraire 6, p. 42.
  • Côté, Jean-Denis, Québec français 121, p. 106.
  • Courchesne, Danièle, Lurelu, vol. 25, n˚ 1, p. 79-80.
  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 13/14-05-2000, p. D8.
  • Giroux, Pierrette, Lurelu, vol. 23, n˚ 1, p. 33.