À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
CEULa
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Écrit primal 6
Pagination
36-45
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un membre de la diaspora haïtienne établi au Canada, avocat de profession, subit d’étranges crises. Une bouche remplie d’ombre et de sang lui apparaît parfois, l’invitant presque à se laisser engloutir. Après la mort de sa mère et le départ de sa maîtresse qui vient de le plaquer, l’homme se résigne à s’avancer vers la gueule béante et ténébreuse.

Commentaires

Paru initialement dans L’Écrit primal, ce très bon texte de Stanley Péan fait partie en outre de son recueil de nouvelles intitulé La Plage des songes.

Très bon, en effet, ce récit est à la fois plus habité et plus maîtrisé que « Sombre Allée » par exemple ou « À l’index », deux textes que j’avais eu le plaisir de commenter lors des précédentes livraisons de L’Année… Le fantastique y est moins présent aussi, moins important, du moins il n’est pas le prétexte principal de la nouvelle. Car si la « bouche d’ombre » qui hante le protagoniste et finira par le happer lorsqu’il acceptera de s’y perdre, si cette bouche, donc, est de toute évidence un motif fantastique, le symbolis­me n’est quand même pas loin.

L’auteur l’écrit lui-même : c’est la « gueule béante et ténébreuse de l’oubli » (p. 45) qui avale l’avocat à la fin du texte. Incapable de s’engager dans une cause trop liée à ses racines, tout seul avec sa conscience torturée, asséché sans la présence d’une femme, le protagoniste ne se trouve plus bien nulle part. Il ne lui reste qu’à disparaître.

Mais lui qui voulait tourner le dos au passé et particulièrement à sa mère qui représentait tout cela, il se jettera dans une « bouche » qui évoque drôlement la matrice originelle. « Avec un gémissement semblable à celui d’une femme en travail, les lèvres boursoufflées s’entrouvent… » (p. 36). Juste avant qu’il ne plonge, une phrase résonnera dans son esprit comme un leitmotiv : « On n’a qu’une seule mère. » (p. 45). Haïti, les Haïtiens, sa mère, tout ce dont il désirait s’écarter finira par l’aspirer irrésistiblement. Et il retournera d’où il est venu parce qu’incapable d’assumer la trahison qu’il a commise.

Par la phrase de Sartre placée en exergue, Stanley Péan nous avait prévenus qu’il traiterait d’une question d’ordre existentiel. [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 125.