À propos de cette édition

Éditeur
Brousseau et frères
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Les Soirées canadiennes, vol. IV, n˚ 4/5
Pagination
97-109
Lieu
Québec
Année de parution
1864

Résumé/Sommaire

Un soir d’automne, deux bûcherons passant près de la Montagne à Bonhomme entendent des sons plaintifs et une voix qui implore : « Où la mettrai-je ? » Informé de la chose, Perrin, un paysan charitable, tente de trouver une réponse qui apaisera les tourments de cette âme en peine. Il soupçonne que le châtiment du défunt est lié à une histoire de vol ou de fraude, ce que le doyen de la bourgade, le père Ambroise, confirme. Perrin retourne donc sur les lieux et à la question lancée, il répond : « Où tu l’as prise ! » Le lendemain, il constate que la clôture de son champ a été déplacée de vingt pieds et que sa propriété s’en trouve ainsi agrandie ! L’âme qu’il avait délivrée était celle d’un voisin qui, jadis, avait usurpé une partie de sa terre en déplaçant une borne qui délimitait les deux propriétés contiguës.

Commentaires

C’est le versificateur chez Joseph-Charles Taché que l’on découvre dans ce texte sous-titré « légende » qui emprunte l’une des situations archétypales du conte surnaturel, l’errance et la peine qui tourmentent l’âme d’un défunt ayant commis une faute de son vivant et qui doit payer sa créance. Souvent, il faut l’intervention d’un vivant pour mettre fin aux tourments de cette âme.

Taché part de très loin pour en arriver à cette anecdote somme toute assez banale qui tourne autour d’une ancienne querelle de clôture. La première partie de son récit en vers, d’une facture très lyrique, exalte une nature sauvage, primitive. Puis l’implantation des Français en terre d’Amérique est prétexte à vanter le courage et l’opiniâtreté de nos ancêtres et permet à Taché de faire vibrer la corde nationaliste. Les figures de Cartier, Champlain et Montcalm (mais aussi un certain Gozon – qui s’en souvient encore ?) sont ainsi évoquées. Enfin, il consacre un petit couplet aux rites païens des Amérindiens.

La deuxième partie, qui raconte les efforts d’un vertueux paysan pour apaiser l’âme d’un défunt, marque une rupture de ton avec ce qui précède. La prose poétique est ravalée au niveau de la chronique de la vie quotidienne. Après avoir fréquenté les hauteurs éthérées, l’aigle fait du rase-mottes. Un exemple qui illustre cette dévaluation de l’écriture : tous les mots recherchés ou exotiques dont on ne connaît pas la signification (autmoins, mahoumets, chichikois, totams) se retrouvent dans la première partie.

« Le Braillard de la montagne », en tentant de concilier l’épopée romantique à la Chateaubriand et la chronique rurale, constitue, à mon avis, un échec sur le plan formel. Reconnaissons au moins à l’auteur l’audace d’avoir tenté d’innover, ce qu’il ne fait pas ici sur le plan idéologique puisque la conclusion renforce les valeurs religieuses de l’époque. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 186-187.