À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Le Passeur
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Fin du monde
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Année 1989 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
277-288
Lieu
Beauport
Année de parution
1990
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Il ne reste que huit jours avant que la Visiteuse, tache noire non identifiée venue de l’espace, n’entre en contact avec la Terre. Serait-ce la fin du monde ? Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, triés sur le volet, ont déjà fui la Terre à bord d’immenses vaisseaux. Les autres, impuissants, ou bien se terrent ou bien se joignent aux hordes de pèlerins qui sillonnent les routes. Un homme raconte, dans un journal de fortune, les bouleversements et dérèglements sociaux des derniers temps, des derniers jours.

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La Visiteuse, repérée par les spécialistes un quart de siècle auparavant, a échappé à toutes les analyses. Nul ne peut prédire les effets de son passage sur la Terre. Les hommes survivront-ils ? Devant l’imminence de la fin du monde, et à la suite du départ des vaisseaux de l’Exode, de nombreuses sectes religieuses émergent ici et là. Prières, prophéties, pèlerinages et actes de barbarie sont désormais le lot quotidien. Plusieurs succombent à la folie ou optent pour un suicide déguisé. L’incertitude devient intolérable et mène à tous les dérèglements.

C’est dans ce climat d’anarchie et de violence qu’un ancien écrivain se remet à l’écriture. Pour rappeler à sa fille Arduina qui l’accompagne sur les routes – comme à ceux qui survivront ou qui reviendront de l’Exode, s’il en est – ce qui fut. Ce carnet sur la fin possible du monde s’adresse donc à une fillette de deux ans, ce qui explique la douceur et la nuance du propos. Mais peut-être l’homme se raccroche-t-il à l’écriture pour aussi conjurer la peur et nourrir l’espoir de lendemains possibles ? Comme si le fait de figer sur papier l’instant vivant assurait un avenir à l’humanité, une continuité à l’existence…

« Carnet sur la fin possible d’un monde » compte parmi les plus beaux textes de science-fiction qu’ait rédigés André Carpentier. Car il s’en dégage une tendresse et une fragilité sans doute à la mesure de la détresse que peut ressentir un être humain confronté à la fin possible du monde. [RP]

 


 

« Carnet sur la fin possible d’un monde » est empreint d’une belle gravité. Le titre, très beau, exprime bien la nostalgie et l’inquiétude du narrateur en même temps que la résignation sereine qui le caractérise. Malgré le chaos général engendré par l’impact imminent de la Visiteuse – boule de gaz ou nuage de fines particules –, le narrateur conserve sa dignité humaine et ses valeurs morales.

Dans ce texte qui prend la forme d’un journal intime, André Carpentier analyse l’état d’âme d’un homme qui met tous ses espoirs dans la génération suivante représentée par sa petite fille. C’est pour elle qu’il écrit ces notes, pour lui dire son amour certes, mais aussi pour témoigner de la bêtise des hommes.

L’auteur, en effet, ne se limite pas à l’étude introspective du narrateur. Il brosse en parallèle une analyse sociologique qui met en lumière la débandade des valeurs morales, le désarroi des êtres humains et la désorganisation sociale (naissance de sectes religieuses fanatiques, banditisme de grands chemins, errance, opportunisme dégoûtant). Au milieu de cette tourmente qui balaie les lois et les principes, le narrateur se fait un point d’honneur de conserver sa droiture.

Par son sujet, la nouvelle de Carpentier rappelle le film du Soviétique Konstantin Lopouchanski, Lettres à un enfant disparu. Cependant, elle n’est pas aussi désespérée puisque la catastrophe appréhendée n’a pas des conséquences irrémédiables, une bonne partie de la population ayant survécu au passage de la Visiteuse. En outre, le choix du destinataire contient en soi un parti pris pour la vie et l’espoir tout en favorisant l’expression d’une sensibilité émouvante.

Il y a une sagesse qui traverse ce texte établissant que l’auteur a atteint sa maturité d’écrivain comme le laissaient présager « Le « aum » de la ville » et « La Leçon ». On y retrouve en effet cette même conscience planétaire, voire cosmique, ce regard tourné à la fois vers l’individu et la collectivité, ce mélange d’inquiétude et d’espoir, celui-ci l’emportant parce que certains se cramponnent aux valeurs humaines et « que l’intelligence nous reviendra un jour, que ce soit de l’espace ou de nous-mêmes. »

Un très beau texte, touchant et accompli. [CJ]

 

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 43-45.