À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Théâtre
Paru dans
imagine… 71
Pagination
11-44
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1995
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Par conscience professionnelle, un directeur d’école est amené à vérifier la véracité des affirmations contenues dans le travail scolaire d’un étudiant qui porte sur la culture des Martiens. Considérant l’exposé comme de la pure fiction, Francis Serrat consulte néanmoins les sources citées et découvre des faits troublants dans les archives de certains journaux qui semblent attester l’existence des Martiens et que confirme le père Jules d’Haberville. Ce dernier entretient-il un lien avec Epiphany Lane dont les grands-parents auraient vécu un temps sur Mars ?

Commentaires

J’ai toujours aimé lire des pièces de théâtre. Pour deux raisons : le lecteur dispose d’une grande liberté pour imaginer les personnages et le dialogue contribue à les rendre encore plus vivants. Au tournant de la vingtaine, j’ai lu tout Racine, les premières pièces de Michel Tremblay, le théâtre de Jean Barbeau, très populaire à cette époque mais qui n’est plus joué de nos jours.

Toutefois, les œuvres dramatiques de science-fiction sont rares. En 1986, la revue imagine… publiait un numéro dans lequel on trouvait quatre pièces radiophoniques de science-fiction. Elle répète l’expérience en 1995 avec quatre autres textes, dont deux œuvres théâtrales québécoises. Mais la SF est-elle soluble dans le théâtre ? Pas complètement, du moins dans le cas de « Casanegra » du tandem Vaillancourt/Vincent. Le cadre de la pièce est tout à fait réaliste : l’action est contemporaine et ne repose sur aucune invention technoscientifique. Ce sont les réflexions alimentées par la prémisse de départ, l’existence des Martiens, qui en font ultimement une œuvre de science-fiction.

On ne croit pas une seconde à l’hypothèse de la présence de Martiens sur Mars et à leur tentative de migrer sur la Terre. C’était peut-être possible au temps de Camille Flammarion, mais aujourd’hui… Le cylindre trouvé au Kénya qui aurait transporté les grands-parents d’Epiphany Lane sur Mars, les cinq œufs de cristal tombés de Mars : tout cela est aussi peu crédible que certaines inventions présentées dans les œuvres québécoises de SF des années 1930 et 1940.

L’essentiel n’est pas là, cependant, mais plutôt dans les liens que tissent habilement les deux auteurs entre des événements historiques comme la panique engendrée par la célèbre adaptation radiophonique de La Guerre des mondes en 1938 par Orson Welles et le programme d’exploration de la Lune pour étayer leur thèse. La pièce se nourrit ainsi des différentes théories du complot qui fleurissent dans la culture populaire américaine et propose un jeu intellectuel très bien articulé. Avec beaucoup de finesse, Vaillancourt et Vincent renversent la perspective en présentant comme la réalité ce qui est considéré comme une fiction. Du coup, plusieurs œuvres cacheraient une réalité qui ne peut être acceptée comme telle socialement ou psychologiquement. Le rapport réalité/fiction s’en trouve complètement chamboulé et donne lieu à un questionnement postmoderne sur le poids du réel dans l’œuvre d’imagination.

Mine de rien, le propos des auteurs remet aussi en question les fondements de la foi. Ce n’est pas innocent, d’ailleurs, que le directeur se confie à un prêtre. Comment croire aux Évangiles ou aux mystères de la religion quand les faits ne sont pas vérifiables ?

À la fin de la représentation virtuelle de « Casanegra », un mystère demeure : l’identité du père Jules d’Haberville. Serait-il le père d’Epiphany Lane ? [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 189-190.