À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Un homme s’amuse au jeu de la séduction avec une femme qu’il ne connaissait pas une heure plus tôt. Celle-ci l’invite chez elle. Là, en présence de son mari paralysé et impuissant, elle encourage son amant de passage à lui faire l’amour. Pendant leurs ébats sexuels, le regard de l’homme croise celui du mari qui s’empare alors de son esprit et lui dicte de tuer sa femme avec un coupe-papier. Après quoi, il se lève et sort de l’appartement, laissant l’amant paralysé.
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Commentaires
Le début de la nouvelle évoque sur un ton léger la montée du désir et le plaisir du jeu de la séduction qui gagnent l’homme comme la femme. L’affaire se corse avec la présence troublante du mari qui assiste, impuissant et frustré, aux ébats amoureux des amants de passage.
Godin met en scène une situation d’une perversité inouïe qui se retourne contre celle qui l’a imaginée. On pourrait croire, comme le prétend la femme, qu’elle se soumet à ce jeu pour que son mari s’identifie à son amant et lui fasse l’amour par procuration. Mais il n’en est rien car le mari prend le contrôle de l’esprit de l’amant pour tuer sa femme. Non seulement y a-t-il prise de possession mentale mais aussi permutation de sa condition physique avec l’autre – qui est aussi le narrateur.
Cette variation sur le thème classique de la possession est intéressante en raison de son côté pervers. Le traitement fantastique de « Cauchemar » est impeccable ; il conduit à un dénouement surprenant mais inéluctable tant la frustration accumulée peut rompre les digues du réel. Surprenant, disais-je, dans la mesure où la perversité féminine se trouve sévèrement punie, ce qui est rare dans le recueil de Marcel Godin, Confettis, où abondent les transgressions de toutes sortes sans qu’elles soient sanctionnées. L’écrivain est plutôt enclin à célébrer le libertinage, la jouissance et l’érotisme de bon goût.
C’est par le regard que le destin des deux hommes bascule. Là se trouve la faille que le mari impotent réussit à exploiter. L’amant se sent-il coupable de profiter de la situation ou est-ce un sentiment de complicité, un instant de solidarité masculine, qui cause sa perte ? Culpabilité ou empathie ? La tension née de ces deux sentiments contradictoires favorise l’irruption du fantastique. [CJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 228-229.