À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Titre et numéro de la série
Neubourg et Granverger - 9
Titre et numéro de la collection
Conquêtes
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
231
Lieu
Montréal
Année de parution
1984
ISBN
2890512800
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Pierre Michay, garçon de quatorze ans, assiste en 1893 à un bal masqué dans un château. Il y rencontre une belle jeune fille, Isabelle, qu’un homme, déguisé en sorcier, vient chercher. Quelque temps après, le père, le grand-père et la sœur de Pierre meurent mystérieusement. Chose étrange, Pierre ne revoit plus son meilleur ami, Claude Dubuque, après la soirée du bal masqué. Il se retrouve donc seul et orphelin. Son vieil oncle, le libraire Jussiave, le prend en charge. Un soir, dans le grenier de la bouquinerie, Pierre voit, comme en rêve, des fées lui apparaître. Elles le laissent avec une marque au front : un cercle violet, invisible mais sensible. Peu de temps après, Pierre découvre deux choses dans ce même grenier : 1) des papiers qui confirment l’existence d’une malédiction qui pèse sur sa famille 2) le testament d’un ancêtre de la famille, un Davard, léguant une fortune à ses deux fils dont l’un est légitime (Davard) et l’autre pas (Michay). Des suites d’une mésentente, les biens n’avaient pas pu être partagés ni, par conséquent, être attribués.

C’est alors que le libraire Jussiave, versé dans la magie, révèle certains secrets à son neveu : le cercle violet est la marque du Destin qui oblige Pierre à poser certains gestes héroïques comme, par exemple, combattre un être monstrueux pour venger son père et découvrir le trésor laissé en héritage. Le libraire met son neveu sur une piste et lui offre son aide magique car c’est un sorcier, un Davard, qui est à l’origine de leurs malheurs.

Pierre se rend donc chez les Davard. Étonne, il y retrouve Isabelle et Claude Dubuque. Une idylle se dessine entre Pierre et Isabelle pendant qu’un être à l’identité trouble poursuit Pierre dans les couloirs et les souterrains du château. Pierre évite la mort de justesse, grâce à l’intervention de Claude qui tue le sorcier. Il met également la main sur le trésor familial et réussit finalement, grâce à l’épée Arhapal, à tuer à nouveau le sorcier, ressuscité lors d’un rituel satanique. Puis, au lieu d’épouser Isabelle, il voyage pendant onze ans. À son retour, il apprend qu’il a un fils de onze ans dont la mère, Isabelle, est morte en accouchant. Son fils le reconnaît sans qu’il ne l’ait jamais vu.

Autres parutions

Commentaires

Celui qui a déjà lu la série Arhapal et les recueils de contes et de nouvelles de Daniel Sernine n’éprouvera pas beaucoup de surprises à la lecture du Cercle violet. C’est sans doute pour parer les coups de la critique que l’éditeur (ou l’auteur ?) a pris soin d’indiquer à l’endos du livre : « Douzième volume de Daniel Sernine, voici enfin la clef de voûte du cycle fantastique bâti par cet écrivain fécond autour des villes imaginaires de Neubourg et de Granverger ». Cela signifie-t-il que Sernine, avec ce Cercle, a enfin bouclé la boucle d’un cycle ? Rien de moins certain : tout le monde sait qu’un cycle est exploitable presque à l’infini, l’écriture pouvant au gré de la fantaisie revenir sur les lieux de l’imaginaire. Il reste que l’intention est ici avouée d’en finir avec cet espace de Neubourg/Granverger sans cesse quadrillé depuis six ans.

Précisons qu’il s’agit ici d’un roman pour la jeunesse (15 ans et plus). Sernine y use à satiété des mêmes procédés, des mêmes décors et des mêmes personnages que dans ses œuvres précédentes, mais, comme l’a fait remarquer Élisabeth Vonarburg dans son étude « Daniel Sernine entre deux mondes », c’est en grande partie parce que l’écriture serninienne n’est que mise en place et pas assez mise en jeu que l’œuvre piétine, stagne, fait du surplace ou tourne en rond. L’image du cercle est ici plus qu’un archétype, c’est ce qui détermine l’écriture de Sernine. L’auteur est fasciné par la répétition du Même.

Ce qu’il y a de très révélateur, c’est que Sernine exhibe sans vergogne, dans son intertextualité et tout aussi visiblement dans sa manière et sa forme, son appartenance à une certaine tradition littéraire qui va pour lui d’Ann Radcliffe à Jean Ray. En épigraphe, l’œuvre porte une citation de Malpertuis et, au chapitre quatorze, « Quelques éclaircissements », le narrateur note, en parlant de certains éléments du manoir où se déroule une bonne moitié du roman, que « par l’ambiance gothique des tableaux, cet art faisait penser aux romans noirs d’Ann Radcliffe » (p. 168). Par l’utilisation d’un décor de convention (château hanté qui semble vivant, cimetières, tombeaux, routes longeant des précipices, grottes souterraines), d’accessoires dramatiques (masques, déguisements, objets ensorcelés ou magiques, coffres contenant de vieux manuscrits et un testament non encore attribué donc un trésor) et de procédés de composition traditionnels (quête, obstacles, apparitions, enlèvements, séquestrations, libérations, etc.) l’œuvre de Sernine s’inscrit bel et bien dans le prolongement de la tradition gothique.

Dans cette logique narrative, ses personnages font avant tout figures d’archétypes (et non de stéréotypes), c’est-à-dire qu’ils représentent des modèles primordiaux de l’imaginaire : héros quêteur, chargé de récupérer le trésor familial perdu, qui reçoit l’aide magique d’un sorcier blanc et qui doit affronter un sorcier maléfique, etc. Ce type de mise en scène – où tout finit par être à sa place – s’apparente au mythe explicateur du monde. Tout y est si bien en place que le fantastique y semble souvent un peu à l’étroit. On connaît la prédilection des romanciers gothiques pour le surnaturel expliqué et le système narratif qui intègre dans une même vision du monde les éléments perturbateurs. Sernine n’échappe pas complètement à cette tentation globalisante. En ce sens, même si le narrateur prend la peine de nous signaler que son héros Pierre « avait acquis une certaine disposition à accepter l’inexplicable » (p. 78), et même si le Monstre semble un moment vraiment ressusciter, il reste que certaines fées et certains sorciers finissent par apparaître sous un jour assez peu fantastique. Ils sont donnés comme si cela allait presque de soi. Encore faut-il spécifier qu’il ne s’agit pas vraiment ici d’un réalisme magique tel qu’on le retrouve chez Cortazar ou Marquez mais plutôt d’un fantastique plus proche du conte merveilleux. Ce qui n’exclut pas évidemment l’existence de deux mondes en conflit. Bien au contraire. Il est normal, dans cet univers, qu’un héros ait à combattre un être surnaturel.

Il semble, à la lumière de ce survol, que l’imaginaire de Sernine tende vers l’unification. Il y a, en effet, la figure du cercle qui apparaît à des moments clés du récit. Je crois toutefois que de manière encore plus révélatrice, son imaginaire est hanté par le schème de la séparation. L’image finale de l’unification se greffe au roman comme par obligation. Tout le champ du discours est plutôt habité par une foncière ambivalence de la représentation du monde, comme si le cercle et l’épée étaient en constant conflit. Notons que cette ambivalence est plus réaliste que proprement fantastique.

Il y a d’abord l’image de la famille qui a subi un schisme : tous les personnages appartiennent à l’une ou l’autre des branches de la famille. Le récit est écrit du point de vue des Michay mais le conflit est dû aux Davard. Les premiers qui détiennent un pouvoir magique (le blanc) capable d’anéantir la puissance maléfique (le noir) des seconds. À ce sujet, il est intéressant de comparer les deux noms de famille : Davard connote Diable, Démon mais aussi Divin et Division tandis que Michay suggère Mage, Magie mais également Moitié. D’autre part, les Davard demeurent dans un manoir baptisé Maledome, nom qui rappelle forcément Malpertuis et tous les châteaux gothiques peuplant les romans noirs. Ce lieu maudit est, comme la famille, également ambivalent. Pierre le perçoit d’abord comme un lieu merveilleux puis comme « l’incarnation minérale de quelque divinité assoupie, environné d’une aura qui suscitait l’anxiété et la mélancolie chez ceux qui résidaient au manoir » (p. 137). Enfin, comment ne pas souligner aussi la quasi absence, au milieu de tant de duplicité et d’ambivalence, de la femme. Il y a comme une disproportion dans la distribution des rôles familiaux. Seule Isabelle tient une place, et encore faut-il préciser qu’elle a pour fonction ultime d’apparaître comme en rêve et de devenir mère en mourant, c’est-à-dire de donner la vie en recevant la mort. Quant à Pierre, le père de l’enfant, il quitte Neubourg pour un long temps avant de penser à renouer avec celle qu’il était supposé aimer éperdument et qu’il avait craint de demander en mariage.

Ces quelques exemples montrent bien qu’il y a une sorte de constante prolifération de l’image de la séparation dans Le Cercle violet. Les quelques éléments fantastiques mis en place dans le récit ne font qu’accentuer cette forme d’imaginaire schizoïdique. Au moment le plus dramatique, le héros brandit l’épée Arhapal pour couper le Monstre Davard en deux. C’est de ce geste épique, après que Pierre eût « tranch[é] le buste [du Monstre] jusqu’au ventre » (p. 214), que re-naît l’unité ancestrale des Davard/Michay. La reconnaissance et les retrouvailles finales ne viennent que poser une mince couche de vernis sur ce texte où la division prolifère.

En fermant le volume, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’il suffirait que le Monstre resurgisse par quelque procédé ou artifice – après tout, il est ressuscité une fois – pour que le cycle s’allonge. Et il y a cet enfant qui semble avoir des pouvoirs psychiques. Et l’épée Arhapal est toujours là qui attend qu’un jeune héros s’en serve. On voit qu’il serait tentant d’utiliser ces ingrédients dans une autre histoire. À moins d’un bon coup de barre, Sernine risque de revenir sur les lieux de sa propre écriture. [MLo]

  • Source : L'ASFFQ 1984, Le Passeur, p. 89-93.

Prix et mentions

Prix de littérature de jeunesse du Conseil des arts du Canada (texte) 1984

Références

  • Gagnon, Nicole, Des livres et des jeunes 31, p. 44.
  • Plaisance, Gilbert, Lurelu, vol. 8, n˚ 3, p. 14-15.
  • Provost, Michelle, Vie pédagogique 37, p. 48.
  • Trudel, Jean-Louis, KWS 19, p. 21-24.
  • Vonarburg, Élisabeth, Solaris 63, p. 49.