À propos de cette édition

Éditeur
Planète rebelle / Mémoire
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Compère Jacques Soleil
Pagination
17-42
Lieu
Montréal/Port-au-Prince
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Melvin Grant, jeune officier blanc américain campé en Haïti, tue un paysan noir qui veut défendre sa femme, Harmonise. Elle s’en prend au jeune homme qui la viole. Lorsqu’on les trouve, il tient la chaînette en or de la jeune femme entre ses dents. On le met en cellule. Pour sauver l’honneur de l’armée, on invente une histoire d’ensorcellement dont il serait la victime et on cherche à imputer le meurtre à quelqu’un d’autre, quoiqu’on n’ait jamais trouvé la balle dans la tête du cadavre.

Harmonise donne naissance à une enfant vaironne qu’elle appelle Précieuse avant de sombrer peu à peu dans la démence. Avant de mourir, Harmonise remet à sa fille une chaînette en or à laquelle est attachée une douille de calibre 38.

Plusieurs années plus tard, Malcolm, le fils de Melvin, s’éprend de Précieuse venue aux États-Unis pour militer en faveur de la paix. Lorsqu’ils font l’amour, la douille explose. Entre les dents du mort, on trouve une chaînette en or. Melvin fait fatalement le lien entre les deux événements.

Commentaires

Cette nouvelle d’Alix Renaud est un modèle de vengeance à retardement propre au fantastique. Il y est vraiment question d’une punition fatale du type « œil pour œil, dent pour dent ». Le déterminisme presque naturaliste dépasse le réel pour y faire l’étude de l’exploitation des pauvres paysans haïtiens par l’imposante et malhonnête armée américaine. La fatalité y est donc déterminée par une justice toute surnaturelle, mais combien méritée. Même Melvin Grant en arrive à cette conclusion lorsqu’il se dit que « son fils était mort avant même que lui […] sût qu’il aurait un fils un jour ».

Tout y est bien dosé : structure et constituantes narratives. Le retour en arrière crée l’attente chez le lecteur, car des chemins sont empruntés sans qu’il sache pourquoi. Il doit attendre la fin pour que la lumière se fasse enfin. Ce procédé n’est pas mauvais en soi et Renaud l’exploite avantageusement : les ellipses entrechoquent les deux mondes (d’ailleurs, l’accumulation de mots créoles appuie cette différence culturelle) et provoquent ce sentiment d’« inquiétante étrangeté » si nécessaire, selon Freud, à l’existence du fantastique. Il y a des trous dans l’histoire qui laissent place à des interprétations différentes : Melvin a-t-il vraiment violé Harmonise ? De quoi est véritablement mort son fils ? L’écriture est habile et ne donne que les indices essentiels sans trop appuyer et sans dévoiler la source du mystère. « La Chaînette d’or » est vraiment un « bijou » littéraire ! [AL]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 141-142.