À propos de cette édition

Éditeur
L'Hexagone
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Nouvelles d'Amérique
Pagination
163-174
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une petite communauté humaine vit de façon autarcique sur une île au milieu du grand fleuve. Un premier, puis un deuxième groupe d’hommes partent explorer la terre ferme à l’horizon, si bien que les femmes se retrouvent seules. Pour résoudre le problème de la reproduction, elles construisent un quai flottant afin d’y attirer les marins de passage. L’une d’elles tombe amoureuse d’un de ces visiteurs et attend en vain son retour. Ayant entrepris la traversée en canot avec quelques compagnes, elle trouve l’homme qui lui apprend qu’il vient de se marier. Au retour, l’embarcation coule, entraînant toutes les occupantes dans la mort. Depuis ce temps, on dit que le fantôme de l’amoureuse hante la côte de l’île.

Commentaires

Au cours des années 1970, Lise Gauvin a étudié le corpus des contes du xixe siècle. Dans le texte qu’elle nous propose ici, elle réinterprète avec beaucoup de finesse le récit de la chasse-galerie immortalisé par Honoré Beaugrand. En fait, elle retourne le mythe comme un gant pour nous en livrer une version féminine, voire féministe, le tout sans amertume ni acrimonie. Cette utopie pastorale rappelle parfois l’univers de Chroniques du Pays des Mères d’Élisabeth Vonarburg par sa façon d’expliquer, à une bien plus petite échelle il est vrai, le mode de fonctionnement de cette société matriarcale.

L’inversion des valeurs du conte originel est remarquablement articulée. Le départ des hommes vers les camps de bûcherons pour la durée de l’hiver représentait un retour vers la vie sauvage et primitive, tandis que la fuite des hommes vers la ville, dans le texte de Gauvin, signifie qu’ils succombent aux sirènes du progrès et sont victimes des illusions d’une vie plus facile. À l’inverse du conte traditionnel, ce sont les femmes qui vont entreprendre (un 31 décembre également) un périple en canot, qui vont voyager à bord de la chasse-galerie pour que l’une d’elles aille au bout de son rêve d’amour et réalise son désir de bâtir une relation durable avec un homme. Mais celui-ci est marié… Dans la version ancienne, les blondes des gars de chantier ne s’étaient pas commises avec d’autres soupirants pendant leur absence.

Dans l’un et l’autre texte, les femmes assurent la continuité. En douce, l’auteure dénonce de façon subtile la démission des hommes dans la société québécoise et leur propension à oublier leurs engagements et leurs responsabilités, alors que les femmes incarnent la loyauté et la survie. Mais pour combien de temps ?

Lise Gauvin a écrit là un très beau texte, lucide et intelligent, à peine fantastique, en réactualisant un conte québécois classique dont l’origine remonte jusqu’à la mythologie germanique. [CJ]

Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 84.