À propos de cette édition

Éditeur
Édouard Garand
Titre et numéro de la collection
Le Roman canadien - 21
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Politique fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
62
Lieu
Montréal
Année de parution
1926
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Le gouvernement fédéral dirigé par le premier ministre MacEachran, franc-maçon notoire et impérialiste convaincu, impose sa poigne de fer à la province de Québec en levant des impôts qui saignent la population et oblige les hommes à servir l’Angleterre dans ses guerres coloniales. De plus, les droits de la minorité francophone dans les provinces anglaises sont abrogés.

André Bertrand, un orateur charismatique, prend la tête du mouvement des Nationaux qui s’opposent aux lois iniques du parlement fédéral. Il se fait élire et siège à Ottawa où le gouvernement de MacEachran adopte un traité de réciprocité avec les États-Unis qui augmente le chômage et la misère matérielle au Québec. André Bertrand organise en coulisse la résistance en fomentant un coup d’État à la faveur duquel il proclamera la République du Québec et la séparation des provinces de l’Est du Canada de la Confédération. L’occasion lui en est fournie quand la population se révolte contre la saisie des biens des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul incapables de payer les taxes imposées. L’entrave au travail des agents fédéraux est réprimée dans le sang par les autorités militaires.

Convaincu de la légitimité de son combat et fort de l’appui de ses concitoyens, André Bertrand recrute des hommes pour constituer une armée capable de prendre le contrôle des principales villes du Québec. Il peut compter sur l’aide d’un riche financier franco-canadien pour l’approvisionnement en armes et munitions et sur son ami Eusèbe Boivin, ancien militaire responsable du déploiement des troupes.

La vie sentimentale de Bertrand est tout aussi tumultueuse que ses activités clandestines. Amoureux fou de Lucille Gaudry, la fille du solliciteur général, son pire ennemi politique, il doit sans cesse convaincre Lucille de son indéfectible amour malgré les apparences et les insinuations malveillantes de son père qui minent la confiance de la jeune femme.

André Bertrand voit ses idéaux politiques et son rêve amoureux s’écrouler quand il est abandonné par son bras droit Eusèbe Boivin qui se rend sans avoir livré la bataille décisive et quand il est trahi par Lucille qu’il a épousée plus ou moins contre son gré dans le plus grand secret. Ayant perdu toute raison de vivre, il n’oppose aucune résistance à son arrestation au moment de s’enfuir en Europe. Il est pendu deux jours plus tard.

Commentaires

Ubald Paquin ne fait mention d’aucune date dans son récit mais il est clair qu’il est contemporain de l’époque de sa publication (1926). L’auteur ne propose aucune invention ou aucun élément technologique qui suggère que les événements ont lieu dans un futur plus ou moins éloigné. Il s’inspire plutôt de l’actualité politique de son temps (la conscription de 1917 au Canada, notamment) et des revendications historiques du Québec pour imaginer une situation de crise menant à une déclaration d’indépendance du Québec. 

Paquin exalte le nationalisme québécois et décrie le pouvoir fédéral qui étrangle économiquement la province de Québec. Aurait-il pu conclure son roman par une victoire d’André Bertrand et la mise en place effective d’une République du Québec sans être accusé de propos séditieux et sans encourir une condamnation ? En ne situant pas son récit dans l’avenir, Paquin n’a pu bénéficier de la marge de manœuvre que Jean-Paul Tardivel s’est ménagée dans Pour la patrie en anticipant un Québec indépendant 50 ans après la publication de son roman qui, de ce fait, paraît plus audacieux et conforme à la définition de la science-fiction.

La Cité dans les fers est plus près des préoccupations d’Ulric Barthe dans Similia Similibus (un conflit armé, un appel à la défense de l’autonomie politique du Québec) que du combat ultramontain de Tardivel. Heureusement, Paquin ne désamorce pas le sentiment de révolte qui anime son récit comme le fait Barthe en révélant à la fin que l’invasion allemande du territoire québécois au cœur du roman n’est qu’un rêve du principal protagoniste.

La Cité dans les fers est un roman de politique-fiction qui brosse un tableau des mœurs politiques de l’époque, qui rappelle les récriminations du Québec au sein de la Confédération et qui en dit long sur les relations homme-femme. En ce qui concerne ce dernier point, l’image de la femme qui en ressort est assez révélatrice de sa condition. La caractérisation des personnages est aussi schématique que dans les feuilletons populaires et repose sur l’antagonisme des sexes. L’homme adulé se veut un modèle de virilité, d’autorité, d’assurance et de force morale tandis que la femme est par essence inconstante, vulnérable et ballottée par ses sentiments. La femme, autant Yvette Gernal, la supposée amante d’André Bertrand, que Lucille Gaudry, est l’instrument de la défaite du héros. Le sentiment amoureux constitue la faille dans la cuirasse de Bertrand. 

Ultimement, c’est le comportement odieux de Bertrand dans ses rapports avec les femmes qui permet à l’auteur de le montrer sous un autre jour. Sans remettre en question la noblesse de ses idéaux politiques et leur bien-fondé, Paquin dénonce la griserie du pouvoir, la démesure des ambitions et l’arrogance nourrie de certitudes qui peuvent entacher les meilleures causes et susciter les pires dérives.

La prose de l’auteur sert à décrire abondamment l’aspect physique des personnages, ce qui donne lieu parfois à des choix de mots étonnants. Pour évoquer le regard envoûtant de Lucille, Paquin qualifie de « glauques » les yeux de la jeune femme. C’est supposé être un compliment pour souligner sa beauté ? On pourrait multiplier les exemples qui démontrent à quel point l’écriture de Paquin appartient à une autre époque par son style alambiqué. Si elle charrie les pires idées reçues sur la psychologie féminine, en revanche, elle s’avère très efficace pour rendre le caractère enflammé des discours de Bertrand, un tribun de la trempe de Pierre Bourgault, et pour stigmatiser les exactions du pouvoir fédéral.

La religion et l’argent sont au cœur de la lutte des Nationaux, le parti politique de Bertrand. Il est révélateur que l’élément déclencheur de la révolte populaire est l’expropriation des biens des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. La défense du français, revendication historique récurrente du Québec aussi importante que la religion, apparaît ici un enjeu secondaire relégué aux droits menacés des minorités francophones hors Québec. Si ce choix surprend mais peut se défendre, il en va tout autrement de certaines autres considérations que l’auteur a négligées. Ainsi, André Bertrand proclame la République du Québec et, dans un même élan, la séparation des provinces de l’Est du reste du Canada. Or il ne participe à aucune rencontre de concertation avec les représentants de ces provinces pour faire avaliser cette décision. De plus, compte tenu des antécédents d’Eusèbe Boivin et de son amitié de longue date avec Bertrand, sa trahison ou reddition, expédiée en une phrase, est peu crédible.

La Cité dans les fers plonge le lecteur dans un univers réaliste sans réelle anticipation. L’amateur de science-fiction n’y trouvera guère son compte car le roman de Paquin relève de la proto-SF comme c’est le cas d’autres œuvres de la première moitié du XXe siècle. [CJ]

Références

  • Arès, Raymond et Lemire, Maurice, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec II, 236-241.
  • Janelle, Claude, Solaris 230, p. 142-146.