À propos de cette édition

Éditeur
imagine…
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
imagine… 56
Pagination
97-103
Lieu
Sainte-Foy
Année de parution
1991
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Une statue est transportée dans la ville de Niba où elle sert d’abord de mannequin dans une boutique de vêtements. Un jour, elle est amenée dans une salle où on procède au transfert du corps d’une jeune femme dans son enveloppe synthétique. Désormais, elle sera offerte à l’admiration des touristes qui viennent visiter le Temple de la Beauté.

Commentaires

La première fois que j’ai lu ce texte de Natasha Beaulieu, il m’a laissé une vive impression. En le relisant quelques mois plus tard, j’y retrouve cette même émotion qui m’avait saisi et la même intelligence du récit. « La Cité de Niba » n’est qu’une courte nouvelle mais on sent que l’auteure a beaucoup de talent. Je dirais même que c’est l’une des découvertes les plus intéressantes de la revue imagine… depuis plusieurs années.

Aborder le thème de la beauté n’est pas chose facile. Natasha Beaulieu le traite de façon originale, en faisant preuve d’une grande sensibilité. Le destin des habitants de Niba est vraiment pathétique. Ce peuple au physique ingrat voue un culte à la beauté au point de contraindre ses quelques rares sujets qui sont beaux à se mouler dans le corps des statues représentant un idéal de beauté. Revanche sur le sort qui comporte un prix démesuré : le sacrifice des citoyens qui ont le malheur d’être nés beaux.

La nouvelle de Natasha Beaulieu contient quelques enseignements moraux livrés discrètement entre les lignes. Ainsi, elle dénonce les diktats des canons de l’esthétique et démontre que si la beauté offre des avantages et peut paraître enviable, elle est également lourde à porter. Combien de fois des personnes d’une grande beauté n’ont-elles pas avoué avoir souffert de solitude parce que leur apparence idéale constituait un obstacle aux échanges humains ?

Le choix narratif de l’auteure est également intéressant. En confiant le récit à une statue qui incarne les canons esthétiques de cette société qui a honte de sa laideur, c’est un peu comme si Natasha Beaulieu nous livrait les pensées de la Vénus de Milo. D’ailleurs, quelle merveilleuse idée que d’utiliser l’image de la statue pour traduire l’aspect rigide, conformiste et éternel de la beauté.

« La Cité de Niba » est aussi une réflexion sur l’art puisque les statues, aussi parfaites soient-elles, ne sont de véritables modèles de beauté qu’une fois qu’elles ont une « âme », c’est-à-dire quand un être humain leur donne vie au prix de la sienne. N’est-ce pas en définitive ce que fait l’artiste ?

Voilà donc un texte riche, polysémique et stimulant que je recommande chaleureusement à tout amateur, esthète ou non, de littérature. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 22.