À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 109
Pagination
20-24
Lieu
Ville-Marie
Année de parution
1994
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Par l’entremise d’un journal intime, la narratrice rend compte d’une expérience à laquelle elle se prête : que ferait-elle si elle avait la possibilité de retourner dans le passé pour y changer un événement crucial ?

L’événement, un drame : la mort de sa sœur jumelle, devant Notre-Dame-de-Paris, lorsqu’une suicidaire lui est tombée dessus en sautant de l’une des tours. La sœur, Véro, est morte sur le coup ; la suicidaire a survécu. La circonstance permettant à la narratrice (une écrivaine) de retourner en 1983 est la mise au point, par le Time Research Institute, d’un dispositif très énergivore capable d’altérer la trame temporelle. La condition : que la volonté de retour en arrière du sujet soit mue par une émotion exceptionnellement intense. C’est le cas de la narratrice, dont la haine pour la jeune Parisienne suicidaire a encore la puissance d’un acide, quarante ans après la tragédie.

La procédure, qui implique une séance d’hypnose, échoue une première fois. À la tentative suivante, la narratrice se retrouve à Notre-Dame-de-Paris. Il lui faudrait monter dans la tour, mais les cinquante mètres d’escaliers étroits ont raison de ses jambes de soixante-cinq ans. Curieusement, sa première intention était de s’en prendre à la suicidaire juste avant le saut, plutôt que de faire s’éloigner les touristes en contrebas, sur le parvis, du point de chute de son corps. C’est effectivement ce qui se produit, quoique dans une scène confuse qui occulte le « comment ».

Dans la nouvelle ligne temporelle ainsi créée, Véro mourra toutefois un mois plus tard, lors d’un accident de la route.

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Commentaires

Difficile de traiter « Cloche vaine » comme une simple fiction, lorsque le critique sait que le drame évoqué est authentique, à quelques détails près (le nom de la sœur, le fait qu’elle et la narratrice n’étaient pas jumelles, quoique très proches). Je ne révèle rien ici, les faits ayant été tristement publics à l’époque des événements.

Dans la nouvelle, la narratrice écrivaine attribue son choix de carrière au drame qu’elle a vécu, celui-ci ayant généré en elle la détermination de donner un nouveau sens à sa vie plutôt que de sombrer dans l’auto-apitoiement. Vraisemblable aussi, le sentiment de culpabilité – tout absurde soit-il, la narratrice en est consciente. C’est, paraît-il, un sentiment fréquent chez les survivants d’une tragédie à laquelle ils ont échappé fortuitement.

Dès lors, l’écriture remplit plus que jamais sa fonction cathartique, même si le lecteur féru de science-fiction (et qui a relevé le mot « vaine » dans le titre) se doute de l’échec ultime du projet. « Même si » ou, plus justement, parce que le projet échouera. Si la nouvelle racontait un succès, un remaniement réussi du passé, elle fonctionnerait plutôt dans le registre de la pensée magique. Sa dynamique serait différente, son impact probablement moindre. Au contraire, les réactions tourmentées de la narratrice, sa relation complexe avec la carrière littéraire donnent à penser qu’il n’y aurait pas de fin heureuse possible. La narratrice a une impression d’échec à son retour du futur, alors qu’elle n’est pas sûre si elle a vécu l’excursion ou si elle l’a rêvée. Échec, parce que sa carrière paraît avoir eu plus de succès sur cette nouvelle ligne temporelle (elle y a un agent littéraire). Tout se passe comme s’il y avait forcément un troc tragique, où le succès d’une carrière littéraire aurait pour prix obligé la mort de la sœur, et inversement le salut de la jumelle impliquerait une carrière faillie ou, plus justement, une carrière morte-née.

Assurément, « Cloche vaine » est l’un des textes les plus intéressants de Francine Pelletier. [DS]

  • Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 142-143.