À propos de cette édition

Éditeur
Fides
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
122
Lieu
Montréal
Année de parution
1967

Résumé/Sommaire

Dans un nouveau lotissement de banlieue aux pavillons immaculés, il est resté au bout d’une rue une vieille maison campagnarde. Celle-ci passe pour être habitée par une sorcière et par deux enfants qui sont de mystérieux « énergumènes » pour les gamins des familles arrivées depuis peu. Trois adolescents plus délurés que les autres profitent de l’absence de la vieille dame pour passer à l’attaque, mais ils sont pris à revers par Marco et Annik, les deux orphelins recueillis par leur tante Mélie, céramiste de son état. Une bagarre épique s’ensuit, où Marco l’emporte sur Yves, Robert et Martin. Une fois la réconciliation scellée, les enfants fondent un club des curieux. Marco et Annik disposent d’une cabane dans un arbre du jardin, mais le club décide de se construire quelque chose de plus grand… et de résoudre le mystère de la disparition de l’oncle Horace, grand voyageur et inventeur.

Des notes laissées par l’oncle permettent aux enfants de passer de l’autre côté d’un vieux miroir magique et de pénétrer dans un monde féerique. Une première incursion leur fait rencontrer Dame Réflexion, une fée bienfaisante qui se désole de l’absence d’Horace et met les enfants sur la piste du disparu. Lorsque les curieux retournent dans le monde à l’envers du miroir, c’est pour chercher l’oncle. Partis en éclaireurs, Marco et Yves retrouvent l’oncle dans le jardin de Dame Vanité, une fée malveillante qui le fait travailler à la construction de son palais. Capturés par Dame Vanité, ils sont libérés par Annik, Robert et Martin. Des retrouvailles touchantes ne sont gâchées que par une ultime vengeance de Dame Vanité qui fracasse le miroir magique. Mais l’oncle Horace promet aux curieux d’autres aventures…

Commentaires

Avec ce livre, Henriette Major reste dans le registre du conte, plus proche de certaines féeries de la comtesse de Ségur que des aventures pour jeunes de Monique Corriveau à la même époque. La conteuse s’accorde beaucoup plus de fantaisie dans le ton, file une métaphore ou deux et frise l’allégorie dans les épisodes qui se passent de l’autre côté du miroir.

Malgré un point de départ ancré dans un décor des plus modernes, le tout garde donc quelque chose de suranné. La découverte d’un monde de l’autre côté du miroir est un motif vénérable de la littérature fantastique, que ce soit dans Le Rêve dans le pavillon rouge de la Chine du XVIIIe siècle, dans les aventures d’Alice de Lewis Carroll au XIXe siècle ou dans l’Orphée de Cocteau en 1949. Plus récemment, au Canada français, Paul Roux s’est servi d’un miroir magique semblable dans la série des aventures d’Ariane et Nicolas lancées en 1992.

Major s’en tire fort honorablement. Le monde à l’envers du miroir témoigne d’un effort d’originalité des plus agréables. Ainsi, les périls rencontrés par les enfants sont liés à différents types de miroirs : glace dépolie, miroirs déformants, glace brisée en fragments qui multiplient l’objet reflété…

La rencontre avec Dame Vanité n’épargne pas aux lecteurs une esquisse de fable moralisatrice, cependant. Par bonheur, l’aventure est si prestement menée qu’elle ne s’appesantit pas là-dessus. Cette rapidité rend la critique malaisée, car les enfants surmontent chaque obstacle sans grande difficulté. La magie est souvent là pour les aider à point nommé et il ne faut pas se poser de questions sur les coïncidences qui interviennent parfois fort à propos.

En général, cependant, les enfants se tirent d’affaire grâce à une combinaison de courage avisé et de prévoyance. Par-dessus tout, ils sont curieux et Major met dans la bouche de Dame Réflexion un éloge de la curiosité qui « mène les hommes au cœur des choses et aux limites de l’univers » (p. 75). Cet hommage rendu à l’esprit chercheur et audacieux des enfants est quelque chose d’assez neuf dans la littérature enfantine canadienne-française et il est tentant de faire le rapprochement avec les valeurs nouvelles de la Révolution tranquille, qui reléguait aux oubliettes l’obéissance érigée en vertu par les auteurs jeunesse des générations précédentes. Ce que semble saluer Dame Réflexion, c’est l’initiative et la curiosité scientifique…

En définitive, Henriette Major offre une histoire qui se lit d’une traite, mariant de nombreux rebondissements et une imagination pleine de fantaisie. Elle s’inscrit dans la lignée du merveilleux traditionnel sans le révolutionner, mais en lui conservant toute sa fraîcheur. [JLT]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 126-128.