À propos de cette édition

Éditeur
Orion
Genre
Science-fiction
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
143
Lieu
Le Plessis-Brion (France)
Année de parution
1997
ISBN
9782843440038
Support
Papier
Illustration

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Cœur de fer propose cinq nouvelles de science-fiction ayant déjà fait l’objet d’une publication au Québec entre 1987 et 1994. Un bref entretien avec l’auteur complète le recueil. Pour les lecteurs français, à qui s’adresse de prime abord l’ouvrage, il s’agira sans doute d’un premier contact avec l’œuvre de Champetier, l’une des figures les plus étonnantes et polyvalentes de la SFQ. Quant aux amateurs québécois, ils sauront tout autant apprécier l’initiative d’André-François Ruaud puisqu’elle rend plus perceptible l’originalité d’une démarche et d’une écriture (jamais des nouvelles de Champetier n’avaient ainsi été rassemblées, la majeure partie de sa production reste disséminée dans des revues et collectifs).

Les cinq nouvelles choisies par André-François Ruaud montrent un Champetier à l’aise dans les domaines techniques et scientifiques (ingénierie, biologie, écologie, physique, médecine, psychologie, eugénisme, etc.). L’auteur décrit avec précision le fonctionnement de machines, de structures et de réseaux complexes, en même temps qu’il interroge la façon dont l’individu se comporte dans de tels environnements.

Un thème récurrent est d’ailleurs le dysfonctionnement de l’être humain comme de la machine. Ainsi, « Survie sur Mars » étudie le comportement de scientifiques évoluant dans un milieu clos et artificiel (Biosphère), pour une longue durée. L’être humain apparaît comme le facteur le plus difficilement contrôlable dans ce genre d’expérimentation, parce qu’imprévisible. L’isolement, la promiscuité et le sentiment d’irréalité génèrent des tensions et favorisent le développement de pathologies majeures. « Cœur de fer » met aussi en scène un scientifique psychopathe déchiré entre la science et la religion. Une équipe doit se rendre au centre de la Terre où un « Ver », surnom donné à un trou noir, fait des ravages. Lors de la descente, Lucas devient de plus en plus confus (en fait, il entreprend sa propre descente aux Enfers). Le déséquilibre s’aggrave dangereusement. L’homme a le sentiment d’aller à l’encontre de la volonté de Dieu. La culpabilité le ronge jusqu’à le faire basculer dans la folie (le « ver » le ronge de l’intérieur…). Champetier propose ici un texte fort, brillamment construit. Enfin, « Ce que Hercule… » raconte, avec humour cette fois, le dérèglement des toilettes dans un vaisseau spatial. Imaginez un seul instant les conséquences d’une telle situation…

Les rapports entre science et conscience sont au cœur des préoccupations de l’auteur. Comment user de notre savoir ? Dans « Karyotype 47, XX, +21 », Champetier aborde la délicate question de l’eugénisme. Une société peut-elle se donner le droit de stériliser des trisomiques sous prétexte qu’ils perpétuent des tares génétiques ? La formule du procès, ici privilégiée, convient bien au sujet : elle permet de présenter les divers points de vue, de peser le pour et le contre et de susciter ainsi une réflexion nécessaire.

Les textes choisis mettent aussi en valeur le talent de conteur de Champetier. Qu’il s’agisse de mener une enquête (intrigue policière, histoire de sabotage), de conduire un procès, d’expédier une équipe dans les entrailles de la Terre, chaque fois la tension est maintenue jusqu’à l’ultime chute. Les actions s’enchaînent rapidement, les dialogues (y compris les dialogues intérieurs ou ceux avec la machine) alimentent intelligemment le suspense, et les personnages restent crédibles. Ma seule réserve concerne « Visite au comptoir dénébolien ». La caricature fait ici sourire, mais le texte comporte des longueurs et il détonne par rapport à l’ensemble.

Enfin, je ne peux passer sous silence les innombrables coquilles et erreurs qui ont échappé à la vigilance des correcteurs. Quel désastre ! Et puis, comment pardonner à l’éditeur de ne pas avoir précisé les sources bibliographiques des textes retenus ? Cela dit, Cœur de fer reste un recueil intéressant dans lequel humour, suspense et rigueur scientifique font bon ménage. Champetier prend manifestement plaisir à exploiter le potentiel du genre SF, à varier ses approches. L’une des figures les plus étonnantes et polyvalentes du milieu de la SF, pour sûr… [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 59-61.

Références