À propos de cette édition

Éditeur
Les Quinze
Genre
Science-fiction
Sous-genre
Réalité truquée
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Dix nouvelles de science-fiction québécoise
Pagination
17-44
Lieu
Montréal
Année de parution
1985
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À mesure que les écrivains se spécialisaient, ils parlaient de plus en plus pour eux-mêmes.  Chacun étant à la fois l'auteur et l'unique lecteur.  L'informatexte permit à tous d'écrire sur tout et de tout réécrire.  L'imaginaire délirant des auteurs, que personne ne lisait, entraîna la création de lecteurs professionnels:  les psycritiques.

Yan Malter est un de ces écrivains qui interroge les valeurs que véhicule sa société uniformisée.  Progressivement, il en vient à s'interroger sur lui-même, sur sa réalité.

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Commentaires

Cette fable amère sur la puissance et l'emprise de la technologie se double d'une interrogation sur l'illusion du réel.  L'auteur joue sur les divers niveaux de réalité où se démènent ses personnages, distillant ainsi chez le lecteur une sensation de malaise. On a l'impression qu'il a voulu régler des comptes et que cette ennième mouture d'un univers-simulacre devait être l'aboutissement de plusieurs années de polissage d'un même thème. En citant son oeuvre, et particulièrement cette nouvelle même au coeur du récit, April finit par boucler la boucle. 

Ce texte n'ajoute rien de bien nouveau à l'univers de Jean-Pierre April mais en souligne à la fois les qualités et les défauts. Le ton satirique, mordant, tout comme l'imagination débridée, conservent leur puissance. Mais le rythme de la nouvelle est plutôt syncopé et ralenti par des temps morts alors que descriptions et citations diminuent l'intérêt du lecteur. Chez April, l'intensité du récit dépend de sa fluidité, ici occasionnellement rompue. L'écriture, enfin, est alourdie par un style peu travaillé.  Elle manque de la souplesse nécessaire pour clarifier le sujet et le rendre plus accessible.

La finale met en évidence toute l'artificialité des réalités proposées par l'auteur et cet emboîtement quasi à l'infini donne une impression d'inachèvement et même de lassitude. Comme il lui arrive parfois, April termine avec difficulté son texte et semble vouloir en finir rapidement avec son sujet. Trop de détachement, trop de sécheresse à peine marqués du sceau de l'ironie achèvent de décevoir le lecteur désarçonné.

Littérature:  cause perdue ? [GG]


Mon intervention, pour cette critique de « Coma 123… », ne sera pas celle d'un spécialiste de la science-fiction ;  elle sera plutôt celle de quelqu'un qui, malgré qu'il soit novice dans le domaine, reconnaît dans cette nouvelle de J.-P. April, des méthodes textuelles qui appartiennent tout aussi bien à la littérature canonique. C'est donc une frêle rencontre entre littérature canonique et paralittérature – pour peu qu'en ce cas précis, elles soient disjointes – que propose ce petit texte.  C'est aussi pour dédramatiser le débat existant entre critique officielle et écrivains modernes que j'interviens et pour tenter de réconcilier ces ennemis qui n'ont d'antagoniste que le nom et dont les propos et les intérêts veillent à défendre une littérature qui, au-delà des modes dont se défendent les critiques et dont se gargarisent certains écrivains, reste toujours, vivantes ou agonisantes, de la littérature.

« April écrivait à une époque où la littérature se mourait – même si on écrivait comme jamais.  Dans les livres, les auteurs se regardaient écrire, ils s'inventaient des vies d'écrivian, ils réinventaient la littérature sur le cadavre de la littérature – palimpsestes, architextes, cannibalisation –, la littérature nourrissant la littérature. » [p. 40]

La littérature n'est pas, loin de là, en train de vivre sa mort mais bien plutôt de vivre en celle-ci, de s'y entretenir sciemment. Ce qui meurt sans doute de son propre fait, c'est une certaine conception de la littérature qui se targue de n'avoir rien à voir avec la modernité. Voire !... Les arguments qui sont avancés pour condamner cette non-littérature sont ceux de l'intertextualité et des actants transpragmatiques, appelés ainsi à cause de leur va-et-vient continuel à travers différents paliers du texte. Ces arguments méritent quelque attention.

Celui de l'intertextualité me semble le moins sérieux des deux arguments. A-t-on reproché à Jean Anouilh son Antigone, à Thomas Mann son Docteur Faustus ou à Fénelon son Télémaque ? Pourtant, voilà trois œuvres qui ont largement emprunté (sinon pillé) leur propos dans des textes déjà existants. On voit donc, qu'en tant que tel, l'intertextualité n'est pas un argument suffisant pour invalider « Coma 123… »

Le cas des personnages qui voyagent d'un palier à l'autre du texte est cependant des plus intéressants.  Multipliant personnages et métatextes à un rythme étourdissant, « Coma 123… » fait en sorte que la sujétion textuelle à un ordre hiérarchique de paliers s'emboîtant les uns dans les autres, en un mot, que la métatextualité, soit tournée en dérision. Il n'y a pas un ordre des textes dans « Coma 123… » mais un jeu ludique sur leur difficile coordination.

On voit donc que ces deux arguments, en eux-mêmes, ne sont pas suffisants pour permettre aux tenants de la littérature dite canonique de s'en prendre à une modernité (ou post-modernité) qui utilise les mêmes méthodes, si ce n'est que beaucoup plus appuyées, que sa consœur. D'autre part, ces procédés, même à ce point développés, ne sont pas nouveaux. Mais il était temps que la science-fiction se mêle de trans-fiction.

« Coma 123… » est en fait un petit puzzle dont on inventerait au fur et à mesure les pièces. Et cette mort de la littérature qu'April annonce, thème galvaudé s'il en est un, ne la craignons pas outre mesure. La littérature est comme cette diva qui donne constamment son spectacle d'adieu ; elle s'entretient de sa mort et dans sa mort, oublieuse que c'est en elle qu'elle se définit. Et si elle meurt en autant de textes qu'il en est publié aujourd'hui, chacun n'en sera pas moins le phénix de son suicide répété. [SCa]

  • Source : L'ASFFQ 1985, Le Passeur, p. 10-12.