À propos de cette édition

Éditeur
Fides
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
202
Lieu
Montréal
Année de parution
1990
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Gomar, un chercheur habitant la planète Glomérade, revient d’une mission scientifique. Alors qu’il contourne une des lunes de la planète Nagas à l’entrée de sa galaxie, il aperçoit un immense satellite artificiel à proximité. S’étant approché, il constate, impuissant, que son vaisseau est attiré par une force irrésistible. Il pénètre dans le satellite par une ouverture apparue sur les flancs et se retrouve dans un secteur inconnu du cosmos. Après une demande de localisation adressée à l’ordinateur central de son vaisseau, il voit apparaître à l’écran ses coordonnées et celles de quelques planètes habitées situées dans les parages. Gomar veut se poser sur l’une d’elles afin de trouver une façon rapide de rentrer chez lui, son véhicule n’étant pas assez puissant pour qu’il puisse espérer regagner sa planète natale avant la fin de son existence.

Il opte pour une planète bleue appelée Terre et se pose dans les Laurentides, au nord de Montréal, non sans avoir endommagé deux de ses turbo-propulseurs lors de son entrée dans l’atmosphère terrestre. Gomar fait la rencontre de trois enfants en villégiature près du lac où il a atterri. Après avoir raconté son aventure à ses nouveaux amis, ceux-ci le présentent à un adulte en qui ils ont confiance, monsieur Roberge. Ils croient que ce professeur de science sera en mesure d’aider Gomar à retourner chez lui. Monsieur Roberge conduit l’extraterrestre à l’aéroport militaire de Saint-Hubert afin qu’il examine le type de moteur qui fait voler les avions.

Conscient que la technologie terrestre ne peut lui être d’aucune aide, Gomar tente un dernier recours : rencontrer le frère André. Il est en effet fasciné par cet homme depuis qu’il a trouvé par hasard une médaille de l’Oratoire et de saint Joseph. Cependant, la présence de l’extraterrestre commence à éveiller les soupçons des militaires qui surveillent les déplacements du petit groupe. Réconforté par sa rencontre avec le frère André qui lui parle de Dieu qui est amour, Gomar est déterminé à reprendre la route du cosmos pour retrouver les siens. Sa théorie est la suivante : « Si l’amour traverse le temps et l’espace, je peux peut-être m’en servir pour retourner sur Glomérade ! » Grâce aux prières du frère André et à l’amitié de ses amis terriens, Gomar réussit.

Commentaires

Il n’est pas sûr qu’un lecteur qui aurait déjà lu ce livre reconnaisse le résumé que j’en fais ici car il s’agit d’un roman interactif. En clair, Le Complice du retour impossible est un livre dont vous êtes le héros. Selon les décisions que le lecteur est appelé à prendre, il peut vivre une histoire sensiblement différente de celle que j’ai vécue. Il existe en effet une autre fin possible aux aventures de Gomar. Celui-ci ayant décidé de faire confiance aux adultes plutôt qu’aux enfants quand il arrive sur la Terre, il se fait berner et ne peut plus retourner sur sa planète parce que son vaisseau a été volé.

Dans un premier temps, j’ai décidé de jouer le jeu et de suivre scrupuleusement les instructions du récit. Le résultat, on le trouve dans le résumé ci-haut, cet itinéraire ayant été balisé par la lecture de 84 fragments sur une possibilité de 158. Je crois avoir fait un parcours rapide. Probablement parce que je m’étais donné quelques règles de conduite précises dès le départ : ne pas rechercher les affrontements, gagner du temps, agir intelligemment plutôt que de recourir à la violence, faire confiance aux enfants plutôt qu’aux adultes, faire preuve de prudence. Bref, retenir la leçon d’E.T. Il semble bien que cette attitude a été récompensée.

Dans un second temps, pour mieux analyser la cohérence et la structure du récit, j’ai lu les 74 autres fragments. Beaucoup de répétitions des mêmes passages, surtout lors de la visite clandestine de Gomar à l’aéroport de Saint-Hubert, en raison de la formule elle-même. J’ai pu constater aussi que j’avais échappé, grâce à ce parti pris pacifique, à une interminable poursuite spatiale entre le vaisseau de Gomar et un croiseur nagasien ponctuée d’une série de tonneaux. Mais je n’ai pas échappé à l’épisode du frère André…

Le Complice du retour impossible de Camille Bessette est le premier roman québécois de SF œcuménique. L’auteur a voulu faire partager au lecteur son culte de saint Joseph et son admiration pour l’humble portier. C’est sans doute la seule raison pour laquelle le récit se passe en 1931. Et si ce n’était de la formule narrative, on pourrait croire que le livre de Bessette (incidemment, est-ce le petit-cousin ou le petit-neveu du frère André Bessette ?) a été écrit à cette époque tant l’ensemble baigne dans un climat édifiant. L’intention est spirituellement et moralement fort louable mais elle est tout à fait ridicule dans le cadre de cette entreprise littéraire. Le message d’amour universel qu’est censé livrer ce roman est tellement galvaudé et vidé de sa substance spirituelle qu’il produit l’effet contraire. Il devient une insulte à la foi des catholiques en essayant de faire croire au lecteur que l’amour peut régler des problèmes de propulsion ! On aura tout vu : tenter de récupérer la science-fiction à des fins religieuses en y associant le culte de saint Joseph.

Ce n’est pas là la moindre incongruité de ce roman qui abonde en invraisemblances. Tout à coup, les problèmes techniques insurmontables qui empêchaient Gomar de quitter la Terre sont réglés comme par enchantement grâce à la magie de l’amour du Fils de Dieu pour tous les êtres du cosmos. Aucune des péripéties que l’auteur imagine n’est crédible. De plus, Bessette n’a visiblement que peu de notions de science-fiction. Le rayon paralysant de Gomar, sa peau orange fluorescente, l’ordinateur central du vaisseau qui a réponse à tout constituent autant de clichés qui dénotent la pauvreté d’imagination de l’auteur. Tout, dans ce récit, fait figure de SF “cheap”.

Si je n’ai pas sombré dans la dépression en lisant ce livre, c’est pour des raisons extrinsèques à la valeur du récit. Il s’agissait de ma première expérience de lecteur de roman interactif, ce qui a soutenu mon intérêt. J’étais curieux de voir les possibilités du genre. Les variantes ne sont pas infinies, loin de là, et certaines décisions n’ont pour conséquence que de retarder temporairement notre progression dans la direction que l’auteur veut bien nous faire prendre. À titre d’exemple, quand Gomar arrive dans notre galaxie, trois possibilités s’offrent à lui (à moi) : Virgo, Terre et l’amas de Staedt. Faux choix : la porte d’accès à l’univers de la première et de la troisième planète était fermée.

Je ne sais pas si la formule du livre dont vous êtes le héros continue de faire fortune. On m’assure que oui. C’est dommage que Le Complice du retour impossible, qui constitue un des rares produits québécois pour la jeunesse à exploiter cette formule, ne fournisse pas une véritable alternative aux jeunes lecteurs d’ici en raison de sa médiocrité. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 22-24.

Références

  • ––––––––––, Vie pédagogique 72, p. 32.
  • Luneau, Pierre-Greg, Lurelu, vol. 14, n˚ 1, p. 22.