À propos de cette édition

Éditeur
Louise Courteau
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
565
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
ISBN
2892390699
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dans Shaddaï, le monde des purs esprits, des remous se forment et El-Az Ishrama, le plus puissant de ces êtres, se refuse à créer des mondes selon l’ordre établi de toute éternité par les Déités de l’Absolu-Infini. Un certain chaos s’installe, des dissensions se forment ; les ascensionnels du monde de Ishrama, créatures imparfaites, refusent de rentrer dans le rang. Van, le plus imaginatif des créateurs, s’oppose à cette incongruité, une guerre se déclenche mais les Déités s’interposent en sortant pour la pre­mière fois des Flots Éternels : l’univers impar­fait a droit à l’autonomie même si son créateur, ainsi que ses créatures, tendent à vouloir s’immiscer dans les autres univers.

Plus tard, sur Terre, monde créé par Van… En Aztlan, les esprits ont pris forme humaine pour se mêler aux premiers ascensionnels terriens. Les clans s’affrontent et les créatures de Netunia, sbires de l’infâme Salané-Sheltan, s’immiscent partout. Mais il y a surtout Hozàn, héraut de Van, rebelle face à la domination de Ferrire, l’incarnation de Ishrama, Hozàn qui a volé le Secret de l’univers et la Pierre Sacrée à Ferrire et qui doit, maintenant, mener sa horde vers les étoiles pour anéantir Netunia pendant que Salané, dans Isben, le jardin sacré, tente d’amadouer Nikah afin qu’elle morde dans le fruit symbolique de l’arbre de la connaissance. Mais toutes ces actions ne sont-elles pas déjà prévues par Ferrire ? Netunia détruite, la Fédération ne peut plus exister. Les Netuns survivants et Salané-Sheltan s’enfouissent dans le Grand Nord, la Terre danse sur son axe et le continent d’Atlantis s’enfonce sous l’eau. Hozàn doit cacher le parchemin contenant le Secret de l’univers : ce sera à un autre de continuer la lutte.

Beaucoup plus tard… Paul Lampereur a vu ses parents et son frère enlevés par une soucoupe volante alors qu’il n’avait que trois ans. Sa vie a été normale depuis lors mais voici qu’il est contacté par un étrange individu et qu’il se retrouve accusé d’un meurtre. Dès lors, tout se précipite : pen­dant qu’il est interrogé, une panne de courant survient. On en profite pour le droguer. Il se retrouve chez Jovie Doucet, la fille du sergent de police qui, lui aussi, a disparu. Paul demande l’aide de ses amis Corteau et Duran­çault. Gérald Doucet, le grand-père de Jovie qui a été prisonnier pendant de nombreuses années dans une étrange vallée du Pôle Nord, suit le mou­vement. L’enquête commence : il faut comprendre ce qui se passe !

D’aventures en aventures, l’intrigue se dégage : après une chaude lutte, Elrich Levrikzenz est devenu le nouveau Roi du monde et il veut contrôler ouvertement la Terre entière grâce, entre autres, au Secret de l’univers, connaissance scindée entre lui et son frère… Paul Lampereur !

D’autres gens se joindront à l’équipe de Paul et ils feront route vers cette vallée inconnue du pôle afin de contrer les plans funestes de Levrikzenz. Ils affronteront mille périls – jungles impénétrables, marais méphitiques, souterrains labyrinthiques, peuplades sauvages, tyrannosaure hargneux, flotte de soucoupes volantes, etc. – avant de s’échapper grâce à Van, l’entité luminique… pour mieux continuer la lutte !

Entre temps, Jean-François Tremblay, le célèbre espion, sème le désar­roi chez l’ennemi. Paul et quelques autres tentent l’impossible mais toujours, ils se font reprendre par les sbires du Roi du monde. Et le pire survient : la connaissance est à nouveau entière et en possession de Levrikzenz qui, déjà, a commencé à annoncer ses couleurs au monde en soulevant des rébellions aux États-Unis et un peu partout sur la Terre.

Mais s’agit-il encore de Levrikzenz ou bien de Salané-Sheltan, l’as­censionnel malfaisant ? Et quel est le véritable but de cette créature, s’interrogent ses comparses, sinon de perdre irrémédia­blement la partie, pavant la voie à la domination de Ferrire ? Et ce fameux secret de l’univers, Sheldan le possède-t-il vraiment ?

Commentaires

Ouf ! Résumer une pareille histoire tient du miracle… ou de l’ellipse. En effet, cette brique publiée par Louise Courteau éditrice s’avère être une suite ininterrompue de scènes d’action, toutes plus trépidantes les unes que les autres. Malheureusement, si l’aventure ne manque pas, tout le reste brille par son absence. L’écriture est primaire, la construction floue. Les personnages, nombreux, sont à peine de carton-pâte et l’intrigue générale est sans cesse galvaudée d’une invraisemblance à l’autre. Ce qui donne un ensemble, ma foi…

Les Conquérants de Shaddaï m’a rappelé d’anciennes lectures. Celles des pulps français de l’entre-deux guerres, notamment. Qui d’entre vous a eu l’occasion de se farcir une des nombreuses histoires que publiait à cette époque la maison Ferenczi ? C’était le temps où l’imagination régnait en maître, où les titres fleuraient bon l’aventure – La Caverne au ra­dium, Les Naufragés du Sahara, L’Île de Satan, L’Homme qui incendia le pôle – et où les écrivains savaient ne pas s’embarrasser de héros fascinés par l’introspection ! Quant à leur écriture… sauf certains auteurs comme Paul Féval fils, Jean de la Hire et quelques autres, disons simplement qu’elle… servait le propos, pour ne pas dire moins.

André De Sève a-t-il eu ces lectures ? Peu importe vraiment. Son propos ne s’apparente pas à ces petits romans populaires d’alors. Non, De Sève plonge plutôt tête baissée dans l’occulte, la cosmogonie revue et corrigée à la façon des Charroux, Guieu et autres "Glenneux" qui font un si grand tort aux chercheurs sérieux. Mais loin de moi l’idée de condamner ce genre de littérature : au contraire, cette prose, quand elle est bien faite, suscite toujours la réflexion, et le but de toute littérature n’est-il pas de faire réfléchir – tout en divertissant à l’occasion, diront certains ?

Là où je m’insurge, c’est devant la qualité du manuscrit. Si je faisais précédemment référence aux romans populaires des années trente, c’est que tous leurs ingrédients sont ici réunis : l’action, le mystère, les grandes découvertes, l’étrange et le surnaturel. Pourtant, il manque l’écriture, il manque le niveau premier de l’écriture qui ferait en sorte que l’action et l’histoire soient compréhensibles au lecteur.

Non pas que la langue employée par l’auteur soit mauvaise – bien qu’elle soit souvent étrange ! –, non pas que la syntaxe en prenne ici plus souvent pour son rhume qu’elle n’en prend habituellement dans ce genre de livre. Non, le problème, dans Les Conquérants de Shaddhaï, repose tout simplement sur l’inexpérience de l’auteur dans l’art d’écrire, de décrire et de raconter une histoire.

À trop vouloir imiter les thrillers, on obtient une suite désarticulée de faits divers… bien qu’extraordinaires. Et à trop vouloir en mettre, on obtient une réaction de rejet de la part du lecteur. Quant aux clichés, on pourrait en faire une anthologie ; quant aux stéréotypes, ils pavent la voie à l’effroyable insipidité des personnages. Additionnez à cela un symbolisme peu subtil et une volonté d’asséner des vérités primordiales, vous compren­drez mon désarroi à la lecture de ce livre.

Mais ne soyons pas mesquin et décortiquons l’histoire de sa gangue d’incréé pour en retrouver toute la substantifique moelle. Là, c’est nette­ment mieux puisque le projet de monsieur De Sève n’est ni plus ni moins que la reconstitution complète de l’histoire de l’univers vu sous un certain angle… unificateur.

En prenant comme hypothèses de départ l’existence de "Créateurs d’univers" surpuissants mais non divins, de leurs luttes intestines, de la transposition de ces dernières dans le monde des hommes, l’auteur reprend à son compte des théories chères à l’antiquité et encore aujourd’hui étudiées par plusieurs philosophes. L’hypothèse d’un Roi du monde, aussi, et des nombreuses sociétés occultes directement reliées à ce dernier, apparaît plausible selon le point de vue dans lequel on se place – malgré le silence relatif des médias sur ce domaine, il existe effectivement de nombreuses sociétés étranges de par le monde, et pas seulement en Orient ! – de même que ce fameux repaire du pôle Nord d’où viendraient les soucoupes volantes. Ajoutez à cela la mythologie chrétienne avec son arbre de la Connaissance, toutes ces idées, assemblées, unifiées, auraient pu effective­ment donner une œuvre à la fois originale et instructive sous la plume d’un auteur plus chevronné et plus minutieux.

Cependant – Les Conquérants de Shaddaï nous le montre claire­ment –, pour obtenir un festin gargantuesque, il faut plus que le simple entassement d’une quantité importante de "nourriture". Le gargantuesque étant une qualité qui s’attribue, encore faut-il qu’il y ait un festin à laquelle elle puisse être rattachée !

Et puis, il y a la crédibilité. Peu importe le genre dans lequel vous écrivez, si vous voulez plaire à votre lecteur, apportez de la crédibilité à votre propos, que ce dernier soit grotesque ou non, possible ou pas ! Ici, l’auteur nous dit : Au début se trouvait l’Univers Central, Shaddaï, avec ses créatures spirituelles incomparables. C’est d’ailleurs l’une de ces créatures, Van, qui créera la Terre. Il va donc sans dire qu’ils existaient avant cette dernière. Logique, non ? Alors, pourquoi l’auteur les fait-il parler comme des Terriens, pire même, comme des Québécois ? In-vrai-sem-bla-ble ! Im-par-don-na-ble ! Ce genre d’exemple abonde dans Les Conquérants de Shaddaï, pour le plus grand malheur du lecteur. À ces créatures quasi divines, l’auteur plaque un discours trop humain, à ses humains, il plaque… des clichés, des clichés, encore des clichés. Comme ce Steve Baker – un méchant, on le verra – qui, chaque fois qu’il intervient dans l’histoire, se fait reconnaître par son nez, toujours son nez. Si le lecteur ne se fait pas dire cent fois qu’il a un nez, mais un de ces nez, il ne se le fait pas dire une fois ! D’ailleurs, ce travers reflète bien la façon de l’auteur : un trait, un tic, une phrase sert à "camper" une fois pour toutes un personnage. Les filles sont blondes aux yeux bleus, les méchants ont, dans l’ordre ou le désordre, un gros nez, le teint foncé, des manières limoneuses, etc. Que du cliché ! Quant aux autres, les purs esprits, s’il n’a pas à les décrire – des boules d’énergie, sans plus –, l’auteur se reprend sur leurs traits de caractère : tous représentent des stéréotypes navrants. Pas étonnant que l’univers tourne mal !

À trop vouloir en mettre, André De Sève s’enlève aussi la possibilité de mieux dire, de préciser sa pensée. Des détails auraient valu la peine d’être explorés, quitte à mettre un peu la pédale douce sur l’action – il aurait été facile de couper ici et là puisque plusieurs scènes ne servent strictement à rien dans le déroulement de l’histoire. Ainsi cette histoire du jardin sacré qui mêle le lecteur, ou cette séquence où Tremblay se… mais Tremblay lui-même est de trop !

Parfois, et c’est une autre source de frustration pour le lecteur, on bute sur des idées splendides, comme celle-ci, entre autres : « … pourquoi ne pas imaginer que les constellations elles-mêmes soient cette machinerie ? Une gigantesque, titanesque architecture magnétique mémorisant un programme dominateur renvoyé sur nous où il est reçu et appliqué par des conspirateurs reliés en confréries occultes, lâches dominateurs toujours cachés… » Évocateur, n’est-ce pas, bien que mal écrit ? Tout un "program­me", juste dans cette idée. Mais elle ne sera pas développée puisque les acteurs de ce livre ne sont pas au service des idées mais bien de l’action, ce qui est, d’une certaine façon, presque la confirmation que ce livre est avant tout un livre d’action raté plutôt qu’un livre de science-fiction ou d’ésoté­risme romancé.

Une "grosse" déception, donc, que ces Conquérants de Shaddaï, qui ne restera dans les mémoires que par son volume impressionnant ! [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 72-76.

Références