À propos de cette édition

Éditeur
SIC
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
290
Lieu
Ottawa
Année de parution
1997
Support
Papier

Commentaires

Depuis l’avènement de l’ordinateur personnel, de bien éphémères maisons d’édition surgissent chaque année, chacune présentant son nouvel auteur à la popularité tout aussi éphémère. Publications à compte d’auteur dissimulées derrière la fausse acceptation d’un « éditeur », ces productions de l’imaginaire mal canalisé d’écrivains en herbe, d’auteurs frustrés ou de créateurs marginaux témoignent d’une liberté d’expression qu’il faut encourager.

Cependant, ces ouvrages, qu’ils s’inscrivent dans les genres qui nous intéressent ou dans une quelconque autre sphère de l’activité littéraire, montrent aussi ce que serait le monde du livre sans éditeurs pour faire le tri parmi les œuvres proposées et pour « éditer », c’est-à-dire offrir à un auteur le support d’une direction littéraire – oui, je sais, plusieurs maisons d’édition n’ont pas de véritable direction littéraire ; elles sont d’autant plus faciles à reconnaître ! Que ceux qui craignent pour la profession d’éditeur avec l’arrivée d’Internet et du livre électronique se rassurent donc : le besoin d’éditeurs et de directeurs littéraires sera encore plus criant lorsque tous auront la possibilité d’offrir au grand public « leur » chef-d’œuvre.

Mais venons-en aux Contes d’outre-monde du dénommé Sarandroi, qui illustrent on ne peut mieux mon propos de départ. Recueil de douze nouvelles de science-fiction (ou plutôt onze, « L’Ortie et la fleur de lavande » apparaissant plus comme un long monologue « réaliste »), Contes d’outre-monde présente les textes d’un auteur extraterrestre ayant la possibilité de voyager par la pensée dans tout l’univers et qui a téléporté ses douze nouvelles à l’éditeur – c’est ce que nous explique la quatrième de couverture. Jusque-là, tout va bien : l’idée a du potentiel et l’angle d’attaque offre une certaine originalité. Mais tout se gâte dès le début de la lecture : qu’est-ce que c’est que cette écriture dont la syntaxe est tout aussi erratique que la ponctuation ? Qu’est-ce que c’est que ce salmigondis de clichés et de mièvreries qui s’accumulent à un rythme endiablé ? Serait-on en train d’abaisser de nouveau et à notre insu le degré zéro de l’écriture ?

Les fidèles lecteurs de L’ASFFQ savent que, depuis 1984, nous avons commenté plusieurs textes de qualité douteuse, ce qui est tout à fait normal puisque le projet implique la recension de « tous » les textes publiés en science-fiction et fantastique. Ces mêmes personnes savent aussi que j’ai plutôt tendance, lorsque je dois commenter ce genre de livre, à tancer vertement l’éditeur et/ou la direction littéraire de sa maison ou, s’il s’agit d’un texte publié à compte d’auteur, à expliquer en quoi cet auteur aurait eu avantage à demander la collaboration d’un professionnel afin de l’aider dans l’aboutissement de son texte. Mais avec les Contes d’outre-monde, il m’est impossible de procéder ainsi puisque l’auteur, dans sa propre fiction, s’arroge à la fois les titres d’éditeur « et » de directeur littéraire !

Après lecture du recueil, force m’est d’admettre que Sarandroi n’a aucun avenir dans ces trois sphères d’activité, sur Terre ou ailleurs. Un éditeur qui effectue le dépôt légal à Québec et à Ottawa d’un truc aussi mauvais ne peut être considéré comme tel ; un directeur littéraire qui laisse passer une seule des douze nouvelles qui composent ce recueil sans dire à l’auteur qu’il lui faut la réécrire complètement n’est pas digne de porter ce nom. Quant à l’auteur, qui assume donc ici la responsabilité de la totalité de la publication, nous ne lui accorderons même pas qu’il a du courage pour s’être publié puisqu’il a pris un pseudonyme et, pire, qu’il s’est fait passer pour un extraterrestre. Or, tout le monde sait qu’un extraterrestre écrit mieux que ça !

Des exemples ? Je pourrais en tirer plusieurs de chacune des 290 pages que compte ce livre. Je me contenterai d’en proposer un, où le narrateur explique la raison de l’existence de la méthode TMLT, le Transfert de la Mémoire des Lobes Temporaux : « L’âge de 20 tans (sic) pour la naissance a été déterminé parce qu’il a été prouvé qu’à cet âge l’humanoïde commence vraiment à fournir un grand effort de compétence dans le travail. C’est pour cela qu’il n’y avait pas d’enfants sur le vaisseau. Toute jeunesse reproduite en laboratoire était stérile à la naissance. Cette méthode existait uniquement pour la durée du voyage intergalactique. Les scientistes avaient prévu un sérum de fertilité. Dès l’arrivée à la planète Urapi, la méthode TMLT serait abolie à tout jamais. Elle serait remplacée par ce sérum de fertilité qui serait ingurgité par chaque personne susceptible de toujours pouvoir reproduire. » (p. 74-75)

Offrir son « œuvre » au grand public, c’est s’exposer à la critique. Que celui qui se cache derrière le pseudonyme de Sarandroi considère donc ce commentaire comme une critique particulièrement mauvaise, et ce même si je lui décerne un prix, celui du plus mauvais livre de la décennie ! [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 274-277.